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http://archive.org/details/lesorchideeshisti880puyd
Oakes Âmes Es.
WITH COMPLIMENTS OF Oipiec STORER 189 &.
PES ORGHIDEÉES
HISTOIRE ICONOGRAPHIQUE
IE G. FISC
TYPOGRAPH
STRASBOURG,
E. DE PUYDT
Président de la Société des Sciences, des Arts et des Lettres du Hainaut Secrétaire de la Société royale d'Horticulture de Mons, etc.
ÆS ORCHIDÉES
HISTOIRE ICONOGRAPHIQUE
ORGANOGRAPHIE — CLASSIFICATION — GÉOGRAPHIE — COLLECTIONS COMMERCE — EMPLOI — CULTURE
AVEC
UNE REVUE DESCRIPTIVE DES ESPÈCES CULTIVÉES EN EUROPE Quvrage orné de 244 Vignettes et de 50 Chromolithographies
DESSINÉES D'APRÈS NATURE
sous la Direction de M. Leroy, dans les Serres de M. Guibert
PARIS JR OTHSCHILD, ÉDITEUR
13, RUE DES SAINTS-PÈRES, 13
1880
of Oakes Ames
———
Botanical Museum of Harvard University
vuriéfté
REINE DES BELGES
Madame !
Bot, Votre augusle Époux, à daigné accepter la Dédicace du livre des Palmiers de mon compaltriole et ami M. Oswald de Î Kerchove de Denterghem.
Æppelé à mon tour à écrire l Histoire des Orchidées, 11 m'a semblé que je ne pouvais la faire paraïtre que sous le gracieux Pafronage de Votre Mayesté.
Les Palmiers symbolisent la grandeur, la puissance, la mageslé; les Orchidées sont la grâce el l'élégance ; elles sont Beines dans nos Serres comme dans les Forëls
vierges du Monde tropical.
Vous avez daigné, Madame, Vous intéresser à mon
œuvre; ce sera mon premier encouragement el ma plus
.
douce récompense. Tai l'honneur d'être avec Respect de Votre Maresté
le tres humble ef très obéissant serviteur
Pre DE Puvor.
TABLE DES MATIÈRES
PREMIÈRE PARTIE
INTRODUCTION CuariTRE I. — NOTIONS HISTORIQUES
Histoire ancienne des Orchidées Histoire moderne
CaariTRE II. — ORGANOGRAPHIE ET BOTANIQUE
Description des organes, tiges, feuilles, racines . La Fleur AL Classification botanique Variabilité des Espèces
Cuarirre II. — DISTRIBUTION GÉOGRAPHIQUE
Les Orchidées d'Europe . : Les Orchidées exotiques. Généralités Les Espèces du nord RARE Les Espèces des zones extra-tropicales . Les Espèces des zones intertropicales Les Orchidées épiphytes .
Cuarirre IV. — CLIMATOLOGIE Études de Climatologie appliquée.
Effets de l’Altitude, régions alpines L'Imitation de la nature
CuariTRe V. — IMPORTATION DES PAYS D'ORIGINE
Les Collecteurs et l'importation ‘Traitement des Orchidées importées .
Pages
102
VI TABLE DES MATIÈRES.
Cuarirre VI. — SERRES ET JARDINAGE
Température des Serres .
Chauffage des Serres
Jardinage pratique .
Sols, Compost . . :
Engrais et Agents chimiques
Culture spéciale dans les Serres : Les Arrosements et l'Humidité atmosphénqnes
Cnarrrre VIL. — LES ENNEMIS DES ORCHIDÉES Maladies et Animaux nuisibles . Cuarirme VIII. — CULTURES SPÉCIALES. — CONCLUSION Les Orchidées fleuries dans les appartements .
Culture des Cypripedium. Conclusion.
DEUXIÈME PARTIE
REVUE DESCRIPTIVE DES ORCHIDÉES CULTIVÉES EN EUROPE.
TROISIÈME PARTIE
DESCRIPTION DES 50 PLANCHES EN CHROMO .
Pages 107 112 114 119 122 126 142
116
153 157 160
169
241
TABLE
DES 50 PLANCHES EN CHROMOLITHOGRAPHIE
Retouchées à la Main et dessinées d’après Nature sous la Direction de M. Leroy dans les Serres de M. Guibert, à Passy.
Pages Er Ada atraniacatandley OPA, : M. à 241 Box: GR Ci AN EN RER RS RENE SUR AR NE Pr. LL — Aerides. Fieldingii. Lindley... 0-72: . . 201, 5245 Er. IV: — Aérides Veñchu-Aandiey 70, mer x Le 0247 Pr. V. — Anselha, africana: Lindley' 21 0.0: ne + … 12.1 :5005:249 ÉRVT: — Barkeria Slkinneri superba Lindley . . . . . . . . 251 Pc. VII. — Cattleya Dowiana Batem. . . . : + . : .. ., . . 253 Pz. VIL. — Cattleya Eldorado Lindley. . . . . . . . . . . 255 Pc. IX. — Cattleya quttata Leopoldi Hort. . . . . . . . . . 257 Ps. X. — Cypripedium caudatum Läindley . . . . . . . . . 259 P£. XI. — Cypripedium Lowii Lindley . . . . . . . . . . ‘261 Pr. XII. — Cypripedium Schlimii Hooker. , . . : . . ... . 263 Pc. XIII. — Cypripedium Sedeni (Hybride) . . . . . . . . . ‘265 P£. XIV. — Cypripedium Veitchianum Reichb. . . . . = Lutisr 261 Pc. XV. — Dendrobium Calceolaria Hook. (moschatum W all) NS 1208 Ps XVI: — Dendrobium Guiberti Hort. . GR 271 Pz. XVII. — Dendrobium macrophyllum Lindley . 273 Pr XVII, — Disa Barelli. RE ES DO Pz, XIX. — Epidendrum Frederici Guillelmi Reïchb. nan re tee es DU Pr. XX. — Epidendrum vitellinum majus Lindley 279 Pc. XXI. — Lalia elegans Lindley (Cattleya elegans Morr. L: : 281 Pr. XXIL. — Lycaste Skinneri rubra Lindley 283 P£. XXII. — Masdevallia Chimwra Reichb. . 285 Pr, XXIV. — Masdevallia tovarensis Lindley RER ES 0 2 ET PL. XXY: —Masdevallia VeitchivReïichb. . :...°. . . . .:.… 289 Pr. XXVI. — Milonia) Regnelh landley = 546... Je + +. +. 291 PL. XXVIL — Miltonia spectabilis Moreliana Hort.. . . . AY-2E 1209 Pc. XXVIIL. — Odontoglossum Alexandre quttatum Bat. Var. Fan … 200 Pt. XXIX, — Odontoglossum citrosmum Lindley . . . . . . . . 297 Pc. XXX. — Odontoglossum triumphans Reichb. . . . . . . . . 299 Pc. XXXI. — Oncidium Kramerianum Reïichb. . . . . . . . . . 801
PE XXXII. — Oncidium LDancéanum. . _. . . . . . . . . + . 303
TABLE DES 50 CHROMOLITHOGRAPHIES
VIII Pz. XXXIITL. — Oncidium splendidum Reïchb. .
Pc. XXXIV. — Phalæwnopsis grandiflora Lindley
PL. XXXV. — Phalænopsis Schilleriana Reïichb.
Pr. XXXVI. — Pleione Lagenaria Lindley .
PL. XXXVII. — Saccolabium Blumei Lindley
Pr. XXXVIIL — Saccolabium curvifolium Lindley .
Pr. XXXIX. — Saccolabium violaceum Reiïichb.
Pr. XL. — Sobralia Ruckeri Lindley
Pr. XLI. — Sophronitis grandiflora Lindley
Pr. XLII — Stanhopea devoniensis Lindley.
Pr. XLIII. — Trichopilia crispa marginata Mort. . PL XDIVe — Trichopilia suaris Lamarchæ Ed. Morr. Pr. XLV. — Vanda cœrulea Lindley .
Pc. XLVI. — Vanda Lowii Lindley
PL. XLVII — Vanda suavis Lindley
PL. XLVIIIL — Vanda tricolor Hooker .
PL XLIX. — Vanilla Phalænopsis Reichb.
Pc. L. — Zygopetalum crinitum Lodd.
Pages 305 307 309 311 313 313 317 319 821 323 325 327 329 331 333 339 337 239
Vue du Rio Negro,
BEPRORCFPDERES
INTRODUCTION
Il y a des problèmes qui se présentent à tous les esprits imvestigateurs dès les premiers pas que l’on fait dans l'étude des sciences naturelles, et dont il est probable que l’on cherchera en vain la solution. Pourquoi, par exemple, la nature a-t-elle été si prodigue de certains types, et si avare de tant d’autres ? Pourquoi s'est-elle plu à répandre dans toutes les parties du globe, sous les latitudes et les climats les plus divers, des genres ou des familles végétales dont l'utilité apparente n’est pas en
rapport avec leur étendue, tandis qu’elle laisse comme oubliés.
4 LES ORCHIDÉES.
relégués dans quelques stations étroitement limitées, d’autres cenres, d’autres familles, répondant, pour nous du moins, à d’incontestables besoins ?
On répond quelquefois : hasard, caprice ? Mais la nature n’a pas de caprices; elle obéit à des lois immuables. Peut-on dire, avec plus de raison, qu'elle a abandonné certains types après un essai, et comme mécontente de son œuvre? Ou bien parce que l’œuvre, en cet état, suflisait à son but? S’est-elle complu ailleurs, voyant que cela était bien, à épuiser les couleurs de sa palette et les richesses de sa puissance créatrice, comme, dans une sphère bien inférieure, un artiste inspiré brode d’inépuisables modulations sur un thème favori ?
Quoi qu'il en soit de ces questions, qui sortent du domaine ordinaire de l'histoire naturelle, 11 n'y a probablement pas une famille de plantes qui ait été traitée en favorite comme la grande tribu des OrcnIDÉEs. Trop nettement caractérisée pour qu'il puisse y avoir du doute sur l’affinité de tous ses éléments, elle se rencontre à la fois sous le climat arctique et dans les régions équatoriales. Elle est largement représentée et dans les plaines intertropicales au soleil torride, et jusqu'au sommet des hautes montagnes, presque à la limite des neiges éternelles. Et partout, sous la plus humble stature et revêtue de teintes sombres, comme dans toute la majesté de ses grandes espèces, aux couleurs d’un éclat inimitable, elle est un sujet d’admiration ou {out au moins de réflexions et d’étonnement.
Dans la sublime harmonie de la création, les Orchidées sont la vie et le charme des contrées humides, des forêts som- bres et étouffées, des jungjles rebelles à la culture, ou bien de ces sommités alpines où l’homme peut à peine subsister. Elles y prodiguent leurs fleurs, incomparables de fraîcheur et de grâce, et leurs senteurs d’une suavité étrange, aux astres qui
les regardent seuls, et au vent des déserts.
INTRODUCTION.
ox
Les Orchidées sont le luxe de la nature alpestre et des forêts vierges, et ce caractère est si bien le leur, que, transportées et élevées à grand’peine dans nos serres d'Europe, elles y sont exclusivement une culture de luxe. Et cependant ces plantes, qui ne savent être que belles, dont l'utilité économique est des plus restreintes el devient nulle dans nos jardins, tiennent dans le monde de l'horticulture une place qui va toujours grandissant. Pour elles, il a fallu trouver des conditions d’existence toutes spéciales, réformer nos vieilles serres et notre jardinage empi- rique. Mais par un juste retour, l'horticulture moderne, celle qui se base sur l'étude de la nature, doit à leurs exigences ses progrès et sa prospérité.
Ces progrès ne se sont pas réalisés tous à la fois; ils ont été mêlés de revers et de réactions, comme tous les progrès d’ici-bas ; mais enfin l'étude et l'expérience ont vaincu. Les Orchidées intertropicales et épiphytes, qui faisaient le désespoir de nos devanciers, nous sont toutes parfaitement acquises. Nous savons les importer vivantes. et les amener dans nos serres à un degré de vigueur qu'envierait parfois le désert qui nous les a livrées. Leurs fleurs, si rares dans les collections d’autrefois, se déve- loppent aujourd'hui avec une abondance et un éclat qui laissent rarement à désirer. Ces résultats inespérés ont été obtenus par les moyens les plus simples ; cette culture, réputée impossible au commencement de notre siècle, est devenue aussi facile, aussi agréable et plus intéressante qu'aucune autre.
La multiplication des Orchidées est aussi mieux connue et plus assurée, mais seule elle ne pourrait suflire aux besoins. C'est l'importation qui y supplée; elle a pris une importance considérable, sans pouvoir cependant excéder les demandes ni avilir les prix. Il n'y a pas à redouter, d'ailleurs, que ces nobles plantes, fussent-elles plus accessibles à toutes les fortunes, deviennent jamais vulgaires. Par leur nature spéciale, par
6 INTRODUCTION.
certaines de leurs exigences, elles sont et demeureront dans le domaine exclusif de l'amateur instruit, de l’horticulture sérieuse et scientifique. Elles étonneront toujours les curieux ; elles ne passionneront que les gens de goût, les esprits ouverts à l'étude des merveilles de la création et des mystères du monde végétal.
NOTIONS HISTORIQUES.
=]
CHAPITRE PREMIER.
NOTIONS HISTORIQUES.
© ISTOIRE, USAGES, SUPERSTITIONS. — Le genre < Orchis, qui a donné son nom à la famille des ORGuHIDÉES, lient le sien du grec opyug, que nous nous garderons bien de traduire. Déjà mentionné par Théophraste, l'Orchis (fig. 5 à 7) a joui, dès l'antiquité, d’une réputation bizarre et fantastique, qui s’est perpétuée jusque bien près de notre époque, si même il n’en reste des traces. | Quand la médecine s’égarait au point de chercher dans la forme extérieure des plantes, dans cer- tains signes au moins équivoques qu'elles portaient, des indica- tons sur leur valeur thérapeutique, il n’est pas étonnant que ces singulières petites plantes aient attiré l'attention. On se persuada que les tubercules d'Orchis guérissaient de la stérilité. On leur donna une place obligée dans la confection des philtres et des boissons excitantes. C’est à ces préjugés antiques que le salep a dù sa grande réputation et son rang dans la Pharmacopée même moderne. Le salep est une sorte de fécule, ou plutôt de gomme, que l’on obtient en séchant, dépouillant et lavant à l’eau bouillante
8 HISTOIRE — BOTANIQUE — CULTURE.
les tubercules de certains Orchis (fig. 8 à 16). Il est fort estimé en Orient, d'où nous le recevons. De quelles espèces
Fig. 5 à 7, — Orchis militaris (1/, gr. nat.). Fig. 8 et 9, — Orchis Morio (1/, gr. nat.)
d'Orchis les Orientaux le tirent-ils? C’est ce que l’on n’a pu constater suflisamment. Il est probable que toutes les espèces
Fig. 10 à 12, — Orchis hircina. Fix. 13 à 16. — Hibenaria bifolia (1, gr. nat).
tuberculeuses servent à cette fabrication. On s’est demandé souvent, dans le temps où cette substance avait plus de vogue
NOTIONS HISTORIQUES, 9
qu'aujourd'hui, si nos Orchis indigènes ne pourraient pas nous fournir le salep aussi bien que ceux d'Orient. La réponse n’est pas douteuse : cette substance existe dans les Orchis d'Europe, et on peut l'en extraire; mais que vaudrait commercialement cette exploitation dans nos pays de culture, où les Orchis sont rares, très-disséminés et de petites dimensions ? On y a renoncé, et on y songera moins que jamais.
Le moyen âge ne manqua pas de s'approprier les superslitions et les exagérations de l'antiquité, et le salep garda, dans la Pharmacopée du temps, à peu près le même rang qu'il tenait chez les Grecs et les Romains. L'expérience et les progrès de la chimie l’en ont peu à peu fait descendre ; il demeure un aliment très léger, incomplet, que l’on emploie dans quelques cas de convalescence diflicile.
Il aurait été tout au moins singulier que des bizarreries bien plus apparentes et une manière de vivre des plus anormales n’eussent pas fait naître chez les peuples autochtones de l'Inde, de l'Amérique, etc., des superstitions analogues. Ch. Morren, dans un savant mémoire, résume comme suit les usages que font des Orchidées les peuplades de ces régions lointaines, et les idées qu'ils y attachent.
«À Demerara, le plus mortel des poisons est le wourali. C'est un jus préparé avec les Catasetum, mais on ne dit pas si le suc de ces Orchidées y entre seul. Par contre, à Amboine se vend le vrai élixir d'amour . .. Ce mirifique élixir est préparé avec des graines très petites d’Orchidées, semblables à de la farine, et qui sont celles du Grammatophyllum speciosum. Le langage des fleurs est au Mexique, à ce que dit Bateman, une langue du cœur et qui se comprend sans la moindre étude. On naît avec elle, comme on naît avec la laideur ou la beauté. l'esprit ou la bêtise. Or dans cette langue, tout entière d’intuition, les Orchidées constituent à elles seules un alphabet. Pas d’en- fant n'est baptisé, pas de mariage célébré, pas de mort enterré, sans que les Orchidées soient appelées à exprimer les sentiments si divers relatifs à ces circonstances. La dévotion les offre à
10 HISTOIRE — BOTANIQUE — CULTURE.
Dieu et aux saints ; l'amour les dépose aux pieds des femmes ; l'amitié, la reconnaissance, l'amour filial ou paternel en couvre les tombes. Il n’y a, sans elles, ni jours de douleur ni jours de plaisir. C’est dans ces sentiments qu'il faut chercher les noms vulgaires de ces plantes, comme Flor de los santos, Flor de corpus, Flor de los muertos, Flor de maio, et jusqu'au No me olvide (ne m'oubliez pas) !. »
Nous pouvons ajouter à cette énumération les noms de Flor de Jesus (Lælia acuminata), Flor del Pelicano (Cypripedium lrapeanum), Flor de Isabel (Barkeria elegans), Flor del paradiso (Sobralia dichotoma), Flor de Espiritu santo (Peristeria elata), Verga de san Jose (Lælia superbiens). La Flor de los muertos est l’Oncidium tigrinum, Flor de maio, le Lælia majalis, Boca del Dragon, l’Epidendrum macrochilum.
Mentionnons aussi la vénération des Japonais pour le Dendro- bium moniliforme, qu'ils nomment Fu-ran, et qui est, d’après Kæmopfer, l’ornement ordinaire des temples. La légende malaise du Daun Petola (Anæctochilus où Macodes petola) est une autre preuve de l'intérêt que portent les Orientaux à ces belles et curieuses plantes.
«Hernandez assurait déjà que, lors de la découverte du Mexique, les chefs des peuplades mettaient la plus grande valeur à posséder en fleurs les brillantes Orchidées. IIS les aimaient, disaient-ils, à cause de leur beauté, de leur étrangeté, de leurs parfums épicés et souvent délicieux. Rumph, de son côté, rapporte que dans les Indes orientales il était défendu au peuple de posséder des plantes d’Orchidées et d'en porter les fleurs ; ce droit était réservé aux princesses et aux dames de haute distinction ?. »
La vanille est aussi un produit de la famille des Orchidées, et le seul, après le salep, qu'elle fournisse au commerce. Ce n'est plus un aliment, mais un condiment et un parfum très
! Cu. Morrex, Annales de la Société d'agriculture et de botanique de Gand. 2 Cu. MoRken, loc. cit,
NOTIONS HISTORIQUES. ti estimé. Il se tire des gousses de deux ou trois espèces de Vanilla d'Amérique (Hg. 17), que l’on fait sécher avec quelques précau- tions. Ces gousses se récolltent dans les bois, mais on cultive aussi la vanille dans les jardins. Ch. Morren avait même tenté sa culture commerciale dans nos serres, et il en obtenait des produits très parfumés. Quant aux propriétés mé- dicinales, toniques, aphro- disiaques de la vanille, en grande réputation dans l'extrême Orient, elles nous semblent de la même origine que celles du sa- lep, et tout aussi sujettes à caution.
On cite encore deux ou trois Orchidées auxquelles la médecine, celle des Orientaux surtout, atiri- bue des propriétés cura- tives ou hygiéniques, mais qui ne figurent pas même a ce titre dans les phar- macopées. Si donc on ne considère cette immense famille de plantes, répan-
due dans toutes les parties du monde, sous les climats
Fig. 17. — Vanilla aromatica (1/: gr, nat.).
les plus divers et souvent
à profusion, qu'au point de vue de son utilité positive, il semble qu'il y ait une disproportion choquante entre l'étendue des moyens et l'insignifiance du résultat. Mais à côté et, jusqu'à un certain point, au-dessus des besoins matériels, il y a ceux de l'intelligence et de l'esthétique générale. Si les Orchidées ne donnent à no$ tables et à nos oflicines qu'un condiment et un
12 HISTOIRE — BOTANIQUE — CULTURE.
parfum délicats et des médicaments d’une efficacité douteuse, elles n’en ont pas moins acquis en quelques lustres, dans notre vie civilisée, une importance indéniable et qui ne fait que grandir d'année en année.
HISTOIRE MODERNE. — Quand l'Amérique eut été découverte, ainsi que la route des Indes par le cap de Bonne-Espérance, la merveilleuse végétation des contrées intertropicales (fig. 48) excita l'enthousiasme des savants et des amateurs de l’époque. Nous disons : des amateurs, parce qu'il est constant qu'en Bel- gique, tout au moins, il existait dès le seizième siècle des col- lections de plantes exotiques.
Les botanistes qui visitèrent les premiers ces régions, si difliciles à aborder et si dangereuses à parcourir alors, ont décrit quelques Orchidées des Antilles, du Cap, de la Chine, du Malabar, mais en petit nombre et avec une absence de précision qui ne permet pas toujours de reconnaitre celles dont ils ont voulu parler.
En 1774, quand Linné donna aux sciences modernes la méthode qui a assuré leur marche triomphante, il ne connaissait encore que cent neuf espèces d’Orchidées, dont la plus grande partie appartenait à l’Europe ou au bassin méditerranéen. Quinze ans plus tard, en 1789, Jussieu en caractérisait treize genres, renfermant déja de nombreuses espèces inconnues à Linné. Mais c’est au commencement de notre siècle que les découvertes marchent à pas de géant. La paix ouvrait les mers et les continents aux voyageurs; l'Inde était conquise et paciliée, la domination hollandaise affermie à Java et aux Moluques ; les colons espagnols de l'Amérique, en secouant le joug de la mère-patrie, ouvraient les frontières des plus belles contrées du monde. Le Japon, la Chine abaissaient à leur tour une partie de leurs barrières. Un champ immense, inépuisable, s'offrait aux botanistes, plein d’attraits, de mystères et de promesses de gloire, Humboldt et Bonpland avaient ouvert la marche. Mais c’est à partir de 4820 ou 1826 que l’intro-
Ll'AuouD Stouopinp of sQudu,q] ‘(reu ‘18 9/4) unyeyqus wurquoooug — "87 ‘BUT
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14 HISTOIRE — BOTANIQUE — CULTURE.
duction des Orchidées vivantes prend de l'extension, chez les Anglais d’abord, et plus tard sur le continent.
De 1830 à 1835, les Belges commencent à rivaliser avec leurs puissants voisins d'Angleterre. Les voyages de Galeotti, de M. Linden surtout, de MM, Funck, Schlim, Ghiesbreght, Libon, Devos, Van Houtte, etc., ouvrent une large trace. Vers le même temps ou plus tard, les travaux du Danois Wallich,
Fig. 19, — John Lindley.
directeur du Jardin botanique de Calcutta, de Griflith, de Blume, de von Siebold; les importations considérables du colonel Benson, de Skinner, de H. Veitch, de Warscewicez, de Houllet, de Rœæzl, de Marius Porte, du révérend Ellis et d’une foule d’autres dont les noms nous échappent, transforment l’indigence des pères de la botanique en une véritable opulence. À partir de 1830, et pendant dix années seulement, le savant orchido- logue anglais Lindley (fig. 49) a décrit trois cent quatre-vingt- quinze genres d'Orchidées, et en 18h40, les espèces plus ou moins connues étaient estimées à trois mille!
NOTIONS HISTORIQUES. 15
Nous sommes encore loin de compte. Les introductions d’es- pèces nouvelles ne se ralentissent pas. Des études faites sur les lieux en ont signalé beaucoup qui restent mal connues. Celles que l’on possède vivantes dans les serres d'Europe sont au nombre de douze à quinze cents; les botanistes en ont caractérisé quatre mille, et l’on peut estimer à une moitié en sus, soit en tout six mille, réparties ehtre quatre cent cinquante genres, ce que la famille entière nous réserve.
De ces quatre mille Orchidées connues, la moitié à peine serait digne d'être cultivée dans nos serres; les deux mille autres sont plutôt des espèces botaniques très intéressantes pour la science, insignifiantes pour le jardinage. Quoi qu'il en soit, 1l reste aux explorateurs présents et à venir une vaste carrière à parcourir.
On a conservé la date de quelques-unes des plus anciennes introductions d’Orchidées ; voici celles que nous avons pu
relever :
Phajus grandifolius Chine introduit en 1778 Epidendrum cochleatum Antilles. . » 1786 Satyrium cucullatum Le Cap . . » 1787 Cymbidium aloifolium . Chine » 1789 Neottia elata . Antilles . » 1790
— speciosu . Jamaïque ) 1790 Oncidium carthagenense . Amér. équat. » 1791 Cymbidium sinense. Chine. » 1793 Epidendrum elongatum Antilles . » 1798 Vanilla planifolia Indes occid. » 1800 Neoltia picta | » » 1805 Epidendrum cuspidatum . La Dominiq. » 1808 Ornithidiuwm coccineum St-Vincent . » 1810 Renanthera coccinea. Indo-Chine . » 1816
On voit à quelles distances s’échelonnent ces importations, qui ne sont certainement pas les seules de cette longue période, quoiqu'elles aient mérité d’être signalées par les botanistes.
[l fauL arriver à 1820 pour trouver les premières collections spéciales cultivées à part. Alors déjà on possédait un assez bon
16 HISTOIRE — BOTANIQUE — CULTURE.
nombre d'espèces de constitution robuste, et dont quelques-unes montraient de belles fleurs : des £pidendrum, des Cypripedium, des Phajus (fig. 20), des Oncidium, un petit nombre de Den- drobium indiens, de Cyrtopodiun, de Rodriguezia. et même de Cattleya.
Les voyages d'exploration se multiplhaient ; ils étendaient
Fig. 20. — Phajns grandifolins (1/39 gr. nat.).
incessamment le champ et la précision de l'observation ; aussi l'expérience se formait, et les préjugés devaient s'avouer vaincus. Mais c'est après 1830 que le mouvement se propage sur le con- tinent el qu'on voit s’y former, çà et là, quelques collections spé- ciales d'Orchidées. Nous avons vu s'ouvrir cette nouvelle période et visité quelques-unes de ces collections si péniblement réunies et si diflicilement entretenues. Après plus de quarante années, nous retrouvons bien nettes nos impressions premières. On pénétrait dans la serre à Orchidées avec une ardente curiosité,
NOTIONS HISTORIQUES. 17
comme dans quelque sanctuaire où se serait accompli un mystère tangible. Cette culture sans terre, ces racines aériennes, cette atmosphère lourde, vaporeuse, ces feuillages anormaux, ces allures étranges vous saisissaient tout d’abord, et si quelque fleur s’y épanouissail, avec ses formes originales, ses pétales charnus, ses couleurs sombres et son parfum pénétrant, on demeurait surpris, hésitant, émerveillé surtout de la nouveauté du spectacle et de la patience du cultivateur.
C'est qu'alors, où les choix étaient très-limités et les meil- leures espèces d’un prix excessif, les collectionneurs ne dédai- gnaient rien, et en attendant force merveilles annoncées, mais encore inabordables, se contentaient d’étonner plus que de plaire. Des Æpidendrum, la plupart sans couleur mais non sans parfum, des Veottia verdâtres, des Maæillaria à petites fleurs jaunes, de maigres Oncidium, puis la tourbe des £ria, Acropera, Pholidota, Stelis, Cirrhœæa, Brassavola, Ornitlidium, tous les indigents de la famille, formaient inévitablement le fond de ces collections, pourtant si enviées.
De nos jours on ne se contente plus d’avoir à choisir parmi plus de mille espèces ; les Orchidées varient beaucoup dans leur pays natal, et quelques-unes de ces variétés sont bien supé- rieures aux types primitifs. Or, en Angleterre, où les collections sont en très grand nombre, on s’attache à choisir les variétés qui ont au plus haut degré le mérite d’une forme correcte et d’un beau coloris; ou bien on collectionne les variétés d’un mème type et on en emplit une serre. Tel est le cas des Cattleya Mossiæ et des Lycaste Skinnerti.
18 HISTOIRE — BOTANIQUE — CULTURE.
CHAPITRE II.
ORGANOGRAPIHIE ET BOTANIQUE.
ESCRIPTION DES ORGANES, TIGES, FEUILLES, RACINES. — Nous avons parlé jusqu'ici de la famille des Orchidées sans la définir ; 1l est temps d'entrer dans un ordre d'idées plus scientifique.
Aux plus beaux jours du printemps, dans la (æ J seconde quinzaine de mai ou au commencement
7) IF - de juin, selon les latitudes et la marche capri- dre cieuse des saisons, ) N = Quand les tièdes zéphirs ont l’herbe rajeuni, ) dE
et qu'au ciel, comme sur notre terre, tout chante au cœur de l’homme l’hymne éternel du renouveau, on rencontre fréquem- ment dans les prés humides ou dans les parties basses et modé- rément ombragées des grands bois, une mignonne plante au feuillage gladié, d’un vert gai maculé de brun, d’où s'élève une tige simple, de 2 ou 3 décimètres de haut, se terminant en épi serré de fleurs blanches ou rosées, d’une forme gracieu- sement irrégulière, et élégamment ornées de dessins pourpres. Cette aimable plante, qui peut vivre dans nos jardins, quoiqu'elle ne résiste pas longtemps à cet exil, se nomme Orchis maculée
ORGANOGRAPHIE ET BOTANIQUE. 19
—s
(Orchis maculata Linn. (fig. 23). C’est la plus commune des espèces indigènes, et probablement la plus jolie.
Fig. 23. — Orchis maculata.
Le genre Orclus, largement représenté dans l'Europe moyenne et méridionale, jusqu’au nord de l'Afrique, à Madère, et surtout dans l'Orient asiatique, a donné son nom à la famille des OrRcH1- DÉES, dont nous achèverons de faire apprécier l'importance
20 HISTOIRE — BOTANIQUE — CULTURE.
relative en rappelant que, sur cent vingt mille espèces de plantes connues, elle en revendique quatre mille.
Dans le système sexuel de Linné, les Orchidées appartiennent à la vingtième classe, Gynandrie, caractérisée par l'insertion de l’étamine sur le pistil, et à la première section de cette classe, la Monandrie, ou fleurs à une seule étamine fertile.
La méthode naturelle de Jussieu range les Orchidées parmi les Monocotylédones, à la qua- trième classe, £pistaminie, mot qui a le même sens, ou à peu près, que Gynandrie.
Les Orchidées sont, dans les pays froids et même tempérés, des herbes vivaces par leurs parties souterraines, mais à tiges annuelles. Dans des con- trées plus chaudes, entre les tropiques, quelques-unes se dé- pouillent annuellement de feuil- les, tandis que leurs tiges per- sistent ; mais la plupart ne se défeuillent jamais, et un petit nombre prennent même une allure frutescente sous forme de Lianes (vanilles).
Aucune n'est annuelle.
Les espèces terrestres et à tiges caduques, qui habitent le Nord, ont de grosses racines fasciculées, et, le plus souvent, des tubercules ovoïdes ou palmés, portant à la partie supérieure deux yeux ou bourgeons. D’ordinaire un seul de ces bourgeons se développe, mais s’il vient à être détruit par accident, l’autre le remplace. Le tubercule qui a parcouru son évolution annuelle, s’atrophie et meurt l’année suivante.
Les feuilles sont toujours simples, et celles des espèces du Nord sont radicales, en rosette. De leur centre s’élève une tige
Fig. 24, — Cypripedium Calceolus (14 gr, nat.)
ORGANOGRAPHIE ET BOTANIQUE. 21
droite, souvent feuillée, terminée par un épi simple, rarement
Fig. 25. — Orchidée aérienne.
par une fleur solitaire (Cypripedium, fig. 24). Les feuilles sont de nature molle, oblongues, gladiées ou obovales, planes, à nervures parallèles convergeant seulement vers la pointe.
HISTOIRE — BOTANIQUE — CULTURE.
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Dans les pays chauds, tout en conservant leurs caractères essentiels, les Orchidées changent d'aspect et de manière de vivre. Les espèces terrestres, qui sont maintenant l'exception et non la règle, ont presque toujours des tiges persistantes, fibreuses, souvent charnues, cylindriques ou renflées en forme de faux bulbes (pseudo-bulbes). Les autres, l'immense majorité, ne vivent plus dans le sol, mais tout au plus à la surface, rampant parmi les détritus végétaux ou sur les rochers couverts de mousse. Le plus souvent elles deviennent tout à fait aériennes, se fixent sur les troncs ou les branches des arbres, où partie de leurs racines s’incrustent solidement, tandis que le reste flotte dans l'air (fig. 25). |
Les tubercules ont également disparu, même chez les Orchi- dées terrestres. Les tiges sont quelquefois molles, et les feuilles toutes radicales (Cypripedium, Anæctochilus, Stenorynchus); plus communément elles sont pourvues de rhizomes ou tiges ram- pantes, articulées, sur lesquelles se dressent à distances variables, à chaque période végétative, ces tiges de diverse structure, souvent pseudo-bulbeuses, dont nous venons de parler (fig. 26).
Les pseudo-bulbes sont tantôt arrondis, piriformes, discoïdaux, oblongs, ou anguleux et irréguliers, tantôt fusiformes, très allongés, passant à la forme cylindrique, qui est aussi celle d’un groupe considérable. C'est à leur base que se trouvent les bourgeons d’où sortiront, à la pousse prochaine, une autre portion du rhizome et un autre pseudo-bulbe, ou bien encore une tige droite, feuillée, non tuberculiforme. Les bourgeons sont au nombre de deux, un de chaque côté. Souvent un seul se développe, et la plante s’allonge annuellement dans un seul sens, perdant sa plus vieille tige quand elle en a fait une nouvelle, sans prendre, par conséquent, d'extension. Si les deux veux se développent simultanément, ce qui n’est pas rare, la plante talle et peut se multiplier. L'œil dormant à la base des tiges âgées de deux ou trois ans peut. être amené à bourgeonner, mais après un certain laps de temps il s'éteint. Il y a aussi, à l’aisselle de toutes les feuilles radicales, et même de celles qui
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L'oomuouyn supp nv opjunadue ounéng] ‘(yen 18 5/4) uso1op vou) — ‘93 ‘ANT
24 HISTOIRE — BOTANIQUE — CULTURE.
viennent au sommet des tiges (feuilles terminales), des rudiments de bourgeons qui peuvent donner naissance à de jeunes tiges dans des circonstances très favorables.
Chez certaines Orchidées tropicales, le rhizome est presque nul, et la plante forme une touffe serrée, soit de pseudo-bulbes,
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l'ig. 27 et 28, — Masdevallia triaristella.
soit de tiges cylindriques à feuilles distiques et alternes (Sobralia, Masdevallia, ete. ; fig. 27 et 28).
Les pseudo-bulbes peuvent être énormes, comme ceux des Cyrlopodium. Enfin, un groupe des plus importants n'a ni rhizomes ni pseudo-bulbes (Vandées vraies) ; ses tiges cylin- driques émettent des racines, au moyen desquelles elles se cramponnent aux arbres. Les plus longues quittent la ligne verticale pour s'appuyer à droite ou à gauche et devenir demi- grimpantes (/enanthera), tandis que les Vanilla, produisant des
ORGANOGRAPHIE ET BOTANIQUE.
19 GT
racines prenantes à chaque articulation et s’allongeant démesu- rément, deviennent de véritables lianes.
Si les formes des tiges sont très diverses, même parmi les espèces d’un seul genre, celles des feuilles ne le sont pas moins. Dans l’ensemble elles sont toujours indivises, sessiles, à ner- vures parallèles, convergeant vers la pointe, ou sans nervures apparentes ; mais sous ces traits généraux elles sont, suivant
Fig. 29. — Phalænopsis Schilleriana.
l'espèce, molles ou membraneuses, planes ou plissées, oblongues ou arrondies ; ou bien parcheminées, coriaces, gladiées ; ou encore charnues, succulentes, souvent d'une grande épaisseur ; ovales, triquètres, cylindriques, en corne de bélier, etc. Elles sont, en outre, ou radicales ou terminales au sommet des tiges ou pseudo-bulbes, souvent l’un et l’autre à la fois, ou rangées en deux lignes opposées tout le long d’une tige cylindrique, ou seulement vers le sommet de cette tige.
26 HISTOIRE — BOTANIQUE — CULTURE.
Les feuilles sont le plus souvent vertes, mais il n'en manque pas de nuancées, de veloutées à fond purpurin, maculées, marbrées, réticulées, etc. Il serait impossible de donner une idée quelque peu complète de tous ces mille jeux de couleurs et de formes, qui sont un des charmes de la famille (fig. 29).
Les racines des Orchidées épiphytes sont d’un aspect particu- lier, presque toujours blanchâtres, luisantes, recouvertes d’un tissu spongieux à cellules en spirale. Leur extrémité est ver- dâtre et translucide, avec une enveloppe très résistante, ce qui leur est nécessaire pour cheminer et s’incruster dans les rugo- sités des écorces et des pierres, auxquelles elles adhèrent bientôt assez fortement pour qu'on ne puisse les en détacher sans les briser. Les racines qui ne trouvent point à se fixer flottent dans l'air, où l’on peut affirmer, a priori, qu’elles servent à alimenter la plante. On n’est cependant point entièrement fixé sur la question de savoir si, dans cette position, elles aspirent les gaz de l'atmosphère, ou si la pluie seule leur apporte une nourri- ture assimilable. Il est très probable d’ailleurs que, malgré l'existence aérienne d’une bonne partie de leurs racines, les Orchidées épiphytes se nourrissent à peu près comme les autres plantes. On peut bien les tenir vivantes pendant des mois, sus- pendues à un fil dans la serre, mais quelque humidité qu'il y règne, elles y périront tôt ou tard si on ne les alimente avec des arrosements très fréquents.
Les racines des Orchidées terrestres des régions chaudes (So- bralia, Cypripedium) ont une autre apparence : elles ne sont pas blanches et lisses, mais de teintes plus sombres et généralement velues, mais prenantes comme celles des Épiphytes, ce qui per- met de croire qu’elles ne sont terrestres que dans une certaine mesure et sous des conditions spéciales.
Les racines naissent à la base des tiges ou des pseudo-bulbes, à la dernière période de leur développement, mais quelquefois aussi dès le début. Elles sont tantôt grosses et rares, ou minces et en faisceaux inextricables. Dans les espèces aériennes qui n'ont ni bulbes ni rhizomes, mais des tiges cylindriques ascen-
ORGANOGRAPHIE ET BOTANIQUE. 27
dantes ou grimpantes, comme chez les vraies Vandées (fig. 30), les racines ne se produisent pas uniquement à la base des tiges, mais successivement à toutes les hauteurs où elles s'élèvent. Ces grosses racines, glabres et charnues, naissent en petit nombre à la fois, à l'opposé des feuilles. Chez les Vanilles il s’en produit en grand nombre à toutes les articulations.
LA FLEUR, — Nous arrivons maintenant à la fleur qui, seule,
Fig, 30. — Vanda suavis (1/59 gr. nat.).
à travers mille caprices de formes, de disposition et de colora- tion, conserve invariablement les caractères qui rattachent l'espèce au genre, et le genre à la famille. Nous devons, en conséquence, l’étudier avec plus de précision.
Cette étude n’est ni simple ni facile, même aujourd’hui que les immenses travaux de Lindley, continués par M. Reichenbach fils, y ont porté la lumière. C’est que les diverses parties de la fleur, parfaitement dépendantes du plan général, pour qui sait interpréter leurs anomalies apparentes, présentent à chaque
Fig. 31. — Stanhopea (1/2gr. nat.).
ORGANOGRAPHIE ET BOTANIQUE. 29
instant des soudures, des renversements, des-avortements, etc., qui leur donnent une apparence étrangère.
En réalité, ce plan est celui des Monocotylédones en général, sauf les modifications caractéristiques des familles.
Les inflorescences naissent de la base ou du sommet des tiges, assez souvent aussi le long de ces tiges, à l’opposé des feuilles. Les unes ne portent qu'une seule fleur ; d’autres sont réunies en grappes, en épis lâches ou serrés, pauci- ou multi-
l'ig. 33. Fig. 32, — Neottia ovata. Lepanthes calodictyon. l'ig. 34, — Neottia ovata, Fleur vue de profil, Fleur. Fleur vue de face.
flores, même en énormes panicules, au nombre de plus de cent à la fois. Il y a de ces fleurs qui, partant de la base des pseudo- bulbes, se dirigent verticalement de haut en bas (Stanhopea, Acineta (fig. 31), et parmi les autres, un grand nombre s’incli- nent avec grâce et viennent, par l'allongement de la grappe, pendre au-dessous et parfois tout autour de la plante. Il est impossible d’ailleurs de faire comprendre avec des mots ces infinies variations des parties pétaloïdes de la fleur, de leurs formes, de leur mode d'insertion, etc., qui font un des charmes de cette famille privilégiée.
L'ovaire est situé sous le périanthe ; celui-ci est composé nor- malement de six parties, dont les trois inférieures représentent le calice et sont, en général, pétaloïdes et à peu près sem-
30 HISTOIRE — BOTANIQUE — CULTURE.
blables (fig. 32 à 31). Dans quelques genres, deux de ces parties, parfois toutes les trois, se soudent et n'en font, en apparence, qu'une seule (Cypripedium, Masdevallia). La corolle est composée de trois autres par- ues, en général plus apparentes et plus colorées que celles du calice. Deux de ses folioles sont semblables entre elles, mais le troisième segment en diffère presque toujours notablement par les dimensions, la forme et la coloration. Cette troisième pièce de la corolle se nomme le labelle (fig. 35 et 36), et c’est sur elle que brillent les couleurs Fig. 35. — Orchis, — Fleur sans l'ovaire, 15 Plus vives et les dessins les en Panne PLUS Variéss/Tlfen est cependant quelquefois tout autrement: le
labelle peut être reduit à de très faibles dimensions et à une teinte uniforme. La base du labelle se soude souvent avec la colonne, et l’enveloppe en partie ; elle porte à l’intérieur une sorte de crête, affectant
diverses formes, et à l'extérieur, dans cer- tains genres, une protubérance qui s’allonge parfois en un éperon plus où moins long, très long même, comme dans l’Angræcum sesquipedale (lg. 37).
Le centre de la fleur est occupé par un corps plus ou moins allongé, gros, à peu près cylindrique ou faiblement déprimé, et rig. 36. — Malais paludosa.
Fleur vue de face, montrant
qui est formé de la réunion des organes ia lubelle dans sa position
normale,
reproducteurs intimement soudés par leurs
supports. On le nomme colonne ou gynostème (fig. 38). Les éta- mines sont, normalement, au nombre de trois, dont deux avor- tent et ne sont qu'indiquées, tandis que la médiane est pourvue
ORGANOGRAPHIE ET BOTANIQUE. 31
d’une anthère fertile. Cependant, dans le genre Cypripedium, c'est l’étamine centrale qui avorte et les deux autres qui se
Fig, 37 — Angræcum sesquipedale (l/15 gr. nat.).
développent (fig. 39), tandis que chez les Uropedium, qui leur tiennent de très près, les trois étamines sont fertiles. On cite
Fig. 38. Fig. 39, Cypripedium. Gynostème vu de profil, Miltonia, Graine germante.
enfin une Orchidée asiatique, l’Arundina pentandra, qui montre, à côté de trois étamines fertiles, les rudiments de deux autres étamines.
L'anthère est placée à l'extrémité supérieure du gynostème,
HISTOIRE — BOTANIQUE — CULTURE.
cs
dans une loge (clinandre), recouverte d’une partie libre qui se détache au moindre effort. Quand cette sorte de couvercle est enlevée, on y distingue les polli- nies ou masses polliniques (fig. 40) réunies par deux, quatre ou huit, et formées de l’ag-
Fig. 40. — Orchis. Fig. 41. — Epidendrum. Fig. 42 et 45. Masses Anthères sans Epidendrum. Masses polliniques et rétinacle. les masses polliniques, polliniques.
Fig. 44. — Pleurothallis clausa. Fig. 45, — Fernandezia acuta. Fruit déhiscent. Fruit déhiscent,
Fig. 46. — Angræcum. Fig. 47, — Orchis, Fruit déhiscent laissant en place les 3 nervures médianes
univalve, des carpelles.
. Fruit déhiscent
glomération des grains de pollen, en masses presque toujours cireuses.
ORGANOGRAPHIE ET BOTANIQUE. 33
La cavité stigmatique, l'organe récepteur, est située sous le gynostème et vers son extrémité supérieure. Elle est enduite
Fig. 48. — Leptotes bicolor.
Fruit déhiscent montrant les 3 nervures médianes des carpelles rejetées de côté.
Fig. 49, — Vanille. Coupe transversale du fruit.
Me + ERA
Fig. 50. Fig. 52, Leptotes bicolor. Fernandezia acuta. Diagramme du fruit, Diagramme du fruit.
PSS
=
Fig. 53. Fig. 54. Pleurotallis clausa, Angræcum, Fig. 51. — Vanille, Diagramme du fruit. Diagramme du fruit. Fruit déhiscent.
d'une exsudation visqueuse qui fait adhérer les pollinies lors-
qu'elles viennent en contact, et la fécondation s'opère sans que
la désagrégation de la masse staminale soit nécessaire (fig, 41 3
34 HISTOIRE — BOTANIQUE — CULTURE, ,
à 431). Il est très intéressant, à ce propos, de remarquer les sin- gulières précautions que la nature semble avoir prises pour rendre cette fécondation difficile. D'abord c’est le couvercle de
Fig. 55. — Miltonia. diras ne s'opère qu'avec l'intervention des insectes. Le fruit des Orchidées à la forme d’une capsule ordinairement membraneuse (fig. 4h à 47), charnue dans les Vanilles et les
Leptotes (fig. A8), ordinairement ovoïde ou oblongue, très longue dans les Vanilles, s'ouvrant longitudinale- ment en six segments (fig. 49 à 54). Il renferme une quantité considérable de graines très menues, que lon compare à des grains de poussière, dépourvues de périsperme et d’une organisation des plus simples (fig. 55 à 58).
Nous ne parlons ici de la fleur qu'au point de vue anatomique ou organographique. Comme elle con- stitue le grand mérite de cette fa- mille, nous aurons l’occasion d'y
la loge anthérique, qui ne se détache que par un secours étranger; ensuite la position du stigmate, qui ne permet pas aux pollinies d’y tomber d’elles-mêmes. La fécondation des Or- chidées ne peut donc guère se faire, dans nos serres, que par les soins du cultivateur, et dans la nature même, il est probable qu'elle’
Fig, 57, — Orchis. Graine.
fé. {
LS
Fig. 56. Fig. 5e. Epidendrum, Pieurothallis, Fruit déhiscent, Graine germante,
revenir dans tous les développements de cet ouvrage. Notons
seulement ici deux traits généraux :
À part un petit nombre de genres (Stanhopea, Coryanthes, Sobralia) et quelques espèces prises çà et là, les Orchidées sont au nombre des plantes dont les fleurs durent le plus longtemps.
i Ces figures sont empruntées à l'excellent 7raité de Botanique de MM. le Pro- fesseur DecarsxE et Le Maour. (Paris. Didot, éditeurs.)
ORGANOGRAPHIE ET BOTANIQUE. 39
La plupart se conservent en bon état pendant plusieurs semaines, surtout en lieu sec et un peu frais, et il n'en manque pas dont la floraison se prolonge sans altération, dans toute sa fraicheur, pen- dant deux, trois mois et plus (Æpidendrum vitellinum, divers Bar- keria, Brassia Wrayæ, Calanthe vestita, Cypripedium Lowr, etc.).
Beaucoup d'Orchidées sont odorantes et quelques-unes ré- pandent des parfums d’une grande finesse, tandis que d’autres ont des odeurs épicées tres développées. C’est ordinairement vers le milieu du jour que ces senteurs ont toute leur énergie, surtout quand le soleil donne. Une seule grappe de quelque sombre et triste Epidendrum suffit pour parfumer une grande serre ; mais le même mérite se retrouve dans des fleurs de premier ordre : Aerides, Cattleya, Lœlia, Odontoglossum, Onci- dium, Stanhopea, Zygopetalum, Vanda, etc.
CLASSIFICATION, BOTANIQUE. — La famille des Orchidées es! d’une telle étendue, qu’il était nécessaire, pour l'étude et la détermination des espèces. d'y pratiquer quelques coupes. L'il- lustre Lindley est parvenu à la diviser en sept tribus distinctes, et ses vues ont été admises par la science. Nous allons donner une idée succincte de cet immense travail :
Première tribu. MALAXIDÉES. — Anthère terminale. Masses polliniques en nombre défini, sans tissu cellulaire interposé entre elles et le stigmate. Plantes épiphytes, rare- ment terrestres. Ordinairement pourvues de pseudo-bulbes.
Genres cultivés : Pleurothallis, Restrepia, Dendrochilum . Cœlogyne, Cœha, Megaclinium, Bolbophyllum , Cirrhopetalum, Eria, Dendrobium, etc. (fig. 59). Environ cinquante genres. Les Dendrobium seuls comptent plus de cent cinquante espèces.
Deuxième tribu. EPIDENDRÉES. — Anthère terminale. Pollinies en nombre défini. Tissu cellulaire développé à la base de l’étamine en filaments élastiques de diverses formes. Pas de glande particulière. Plantes la plupart épiphytes, rarement terrestres, pourvues de pseudo-bulbes ou tout à fait caules- centes. Racines rarement charnues et lobées.
36 HISTOIRE — BOTANIQUE — CULTURE.
Genres cultivés : Barkeria, Bletia, Brassavola, Cattleya. Epidendrum, Hartwegia, Isochilus, Leælia (fig. 60), Phajus, Schomburgkia, etc. |
Cinquante genres. Les Æpidendrum ont de trois à quatre cents espèces ; les Caltleya guère moins d’une centaine. Les Lælia sont aussi très nombreux.
Troisième tribu. VANDÉES. — Anthère terminale ou plus
Fig. 59, — Dendrobium Ainsworthi (d'après le Gardeners' Chronicle).
rarement dorsale (adhérente au gynostème par sa partie posté- rieure). Masses polliniques en nombre défini, adhérentes, au moment de la fécondation, à une caudicule élastique et à une glande stigmatique. Plantes épiphytes, plus rarement terrestres ; celles d'Amérique pourvues la plupart de pseudo-bulbes ; celles d'Asie plus habituellement caulescentes.
Genres cultivés : Aspasia, Anguloa, Angræcum, Aerides, Bifrenaria, Brassia, Calanthe, Chysis, Cymbidium, Catasetum, Cychnoches, Coryanthes, Cyrtochylum, Govenia, Gongora, lonop- sis, Maxillaria, Masdevallia, Macradenia, Miltonia, Notyhia,
ORGANOGRAPHIE ET BOTANIQUE. 37
Odontoglossum (fig. 64 et 62), Oncidium (fig. 63), Peristeria, Renanthera, Saccolabium, Stanhopea, Sarcochilus, Trichopilia, Vanda, etc. (fig. 6h). :
Cette tribu est la plus considérable à tous égards. Les Onci-
Fig. 60, — Lælia Jongheana. (Cattleya minas, Cattleya dolosa).
dium ont plus de deux cents espèces, et plusieurs autres genres comptent parmi les plus riches et les plus beaux de la famille.
Quatrième tribu. OPnHryYDÉES. — Anthère terminale dres- sée. Pollen se décomposant en un nombre indéfini de petites masses, toutes réunies en deux masses principales, agglutinées
38 HISTOIRE — BOTANIQUE — CULTURE.
par un axe de tissu cellulaire arachnoïde à la glande du
stigmate. Plantes toutes terrestres, à racines tubériformes. Genres principaux : Orchis, Ophrys, Bonatea, Disa, Habenaria,
Satyrium, Serapias et beaucoup de genres européens (fig. 66).
D] b, L
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Fig. 61 et 62. — Odontoglossum nebulosum candidulum.
Les Ophrydées sont peu nombreuses et de peu de valeur, sauf les Disa et un peu les Satyrium.
Cinquième tribu. NÉOTrIÉES. — Anthère parallèle au stigmate, persistante, à loges rapprochées. Pollen pulvérulent, dont les grains sont lâchement unis par un tissu cellulaire pres- que impercepüble, qui les rattache à la glande du stigmate. Plantes terrestres, acaules ou plus rarement caulescentes ; à
1
ORGANOGRAPHIE ET BOTANIQUE. 39
racines simplement fibreuses ou fasciculées, quelquefois tubé- reuses ou bulbeuses. Genres principaux : Veofhia, Anœctochilus. Physurus, Goo-
dyera, Spiranthes, Epipactis, Orthoceras.
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07
Fig. 63, — Oncidium microchilum (Funckii).
Cinquante genres de peu d'intérêt, sauf le groupe à feuilles ornées des Anæctochilus.
Sixième tribu. ARÉTHUSÉES. — Anthère terminale. Masses polliniques déliées et pulvérulentes, en nombre indé- fini, formant des corpuscules anguleux reliés les uns aux
40 HISTOIRE — BOTANIQUE — CULTURE.
autres par des filaments cellulaires ténus. Plantes terrestres, acaules ou caulescentes, à racines fibreuses ou bulbeuses. Genres principaux : Arethusa, Calopogon, Cephalanthera, Limodorum, Pogonia, Sobralia, Vanilla. Cinquante genres peu intéressants, sauf Sobraha et Vanilla. ESeptième tribu. GYPRIPÉDIÉES. — Anthère intermédiaire
Fig. 64, — Masdevallia Chimæra (1/4 gr. nat.).
stérile et transformée en pétale. Les deux anthères latérales développées et pollinifères. Plantes la plupart terrestres.
Genres : Cypripedium , Uropedium. °
Deux genres seulement, en considérant les Selenipedium comme une section des Cypripedium (Hg. 66 1).
Les Cypripedium sont nombreux et fort beaux.
! Nous avons fait figurer dans le courant de cette publication une série d'excel- lents dessins, que nous devons à la grande obligeance du savant D' Masrers, du Gardeners Chronicle.
les LϾha sont devenus pour lui des Bletiu,
ORGANOGRAPHIE ET BOTANIQUE. al
Le professeur Reichenbach fils, le collaborateur autrefois, au- jourd'hui le continuateur de Lindley, tout en adoptant l’'en- semble de ses vues, a eu le courage de réviser les quatre mille espèces déjà décrites et de les répartir plus rigoureusement entre les genres créés, parmi lesquels, d’ailleurs, il a opéré des remanie- ments et des suppressions d’une grande im- portance. Ainsi, pour en donner une idée.
les Cattleya des Epidendrum, les Brassia des p.65. orenis. Fleur. Oncidium, etc.
Quelques-unes de ces réformes, celles qui portaient surtout sur des genres peu cultivés, ont passé sans peine, mais personne n'a pu s habituer à voir des genres favoris, l'honneur de nos cul-
tures, disparaître
PAT tristement dans le / il in \ chaos des Æpiden- LA AP: No A à El 6e 1 drum où parmi la
tourbe plébéienne des Bletia. Les meilleures raisons de science pure ne peuvent dissocier : ce qui se tient par _ mille liens appa- rents, ni faire dis- paraître des grou- pes que l'œil croit reconnaitre à Cha- que occasion. Sachons gré aux réformateurs qui luttent péni- blement pour l'honneur de la science, mais demandons à la science de transiger, tout en faisant des réserves, avec des habitudes indestructibles et des nécessités commerciales.
Fig. 66, — Cypripedium concolor.
VARIABILITÉ DES ESPÈCES. — Nous demandons pardon à nos
42 HISTOIRE — BOTANIQUE — CULTURE.
aimables lectrices de tant de grec et de toute cette science d'emprunt. C'est le côté faible de notre langue de se refuser à la composition des mots et à l'adoption d'expressions nouvelles - nécessitées à chaque instant par le progrès des sciences. Nous n'avons pour ressource que le latin et le grec, et nous n’en sommes pas toujours plus clairs après cela.
Il faut bien, cependant, parvenir à s'entendre, et quand on se trouve en présence de quatre mille espèces d’une seule famille, rien ne peut dispenser de leur donner à chacune un nom et un prénom, ou, sans métaphore, un nom de genre et un nom d’es- pèce. Hors de là, tout est confusion. Puis ces genres, à leur tour, il faut les grouper en tribus, caractérisées par quelques traits communs, sinon toute plante nouvelle exigerait, pour sa détermination, un travail herculéen. Louée soit donc la bota- nique, qui met l’ordre et la lumière dans l’inextricable dédale des espèces végétales.
Ce n’est pas tout : les Orchidées, déjà si nombreuses, jouissent d’un privilège rare dans le monde végétal, celui de produire spontanément, dans leur milieu natal, des variétés, voire même des hybrides. Il y a telles espèces, comme le Lycaste Skinneri, le Catlleya Mossiae, des Dendrobium, des Odontoglossum (fig. 67) etc., dont on ne trouve presque jamais deux individus semblables de tous points, parmi des centaines et des milliers de sujets. Et dans cette multitude de variétés il y a des formes assez accu- sées et assez persistantes pour qu'on ait pu les considérer comme de véritables espèces. Qu'est-ce, par exemple, que ce Caltleya Mossiae cité plus haut, sinon une forme localisée du C. labiata ? Qu'est-ce que les €. Trianae, C. Warscewicezii, sinon d’autres formes du €. Mossiae ? D'autre part, des espèces clas- sées tiennent si parfaitement le milieu entre deux autres, qu'on les considère comme des hybrides naturels (Odontoglossum An- dersonii) .
Maintenant le jardinage commence à s'emparer de cette mutabilité des formes et des couleurs. Quoique difliciles et sur- tout bien lents et incertains, la fécondation et le croisement des
ORGANOGRAPHIE ET BOTANIQUE. 43
Orchidées se pratiquent et donnent des résultats. Des variétés jardiniques viennent donc et viendront de plus en plus s'ajouter aux variétés naturelles. Les genres même se croisent, et des hybrides remarquables sont sortis de fécondations opérées dans les serres (Calanthe Veitchii, de Limatodes rosea X Calanthe vestita ; Cattleya exoniensis, de Cattl, Mossiae X Lælia purpu-
Fig. 67. — Odoutoglossum grande (!/,; gr. nat.).
rata ; Phajus irroratus, de Phajus grandifolius X Calanthe veslila, etc.). Voilà l'existence de certains genres mise en sus- picion.
M. Rœzl dit avoir récemment découvert au Mexique un Odontoglossum à fleurs doubles, unique parmi des centaines d’autres à fleurs simples. Il doit être vivant en Europe. Qu'en sera-t-il? Verrons-nous aussi quelque jour les Orchidées à fleurs pleines faire une regrettable concurrence à ces beautés naïves, si séduisantes dans leur simplicité ?
44 HISTOIRE — BOTANIQUE — CULTURE.
Un jour, Ach. Richard, herborisant aux environs de Paris, découvre sur un Orchis une fleur régularisée accidentellement, ayant six pétales égaux et semblables, trois étamines et un stigmate normal. Il n'en fallait pas tant pour faire naître l’idée que les Orchidées ne seraient que des [ridées métamorphosées par une série de soudures et d’avortements de parties essen- tielles.
C’est en eflet auprès des Iridées, des Zingibéracées, des Scitaminées, des Broméliacées, que se range la famille des Orchidées.
Qu'un groupe naturel de plantes produise des variétés ou, par métamorphose d'organes, des fleurs doubles, c’est là un fait qui n'étonnera personne ; que des espèces et même des genres se croisent entr'eux et donnent des hybrides, c’est à la botanique de voir si ces espèces et ces genres ne sont pas purement arti- ficiels ; mais les singularités des Orchidées ne s'arrêtent point la. Une espèce de Bornéo, le Vanda Lowii Lindl. (Renanthera Lowii Reichb., voir planche 46), montre invariablement, sur la même grappe, deux sortes de fleurs notablement différentes de taille, de forme et de couleur. Les deux fleurs de la base sont les plus grandes ; leur couleur est jaune orangé, avec quelques taches d’un rouge brun. À quelques centimètres plus haut (la hampe peut s’élever jusqu’à 3 ou 4 mètres) commence une autre sériesde fleurs jaunes fortement barrées et maculées de pourpre. Les unes et les autres ne se mêlent jamais.
On à comparé cet étrange dimorphisme à celui que présentent les fleurs du Cytisus Adami. Ce serait un hybridisme incomplet, où la dissociation des formes aurait une constance inexplicable.
Voici d’autres cas où la confusion des types est tout aussi embarrassante,
Le genre américain Catasetum L. CI. Rich. avait pour voisin les Myanthus et les Monacanthus de Lindley, qui s’en distin- guaient fort nettement en apparence. Mais voilà qu'un jour Schomburgk découvre à la Guyane un pied fleuri portant sur la même hampe six fleurs de Monacanthus viridis et deux de
ORGANOGRAPHIE ET BOTANIQUE. 45
Myanthus barbatus. Ailleurs, dans une serre d'Angleterre, un
pied de Wonacanthus viridis, après avoir fleuri sous sa forme normale, produit deux mois plus tard une hampe de Catasetum tridentatum. D'autres faits étant venus s'ajouter à ceux-ci, l'identité des Myanthus et des Monacanthus avec les Catasetum ne pouvait plus être contestée; il fallut supprimer les deux premiers genres. Les Mormodes ont-ils une existence mieux assurée ? |
Un polymorphisme floral tout semblable s’est manifesté dans un genre rapproché des précédents, le Cychnoches, dont une plante vigoureuse a porté, aux deux côtés du même pseudo- bulbe, deux hampes, l’une de fleurs du Cyc. Loddigesii, à odeur de vanille, l’autre de Cyc. cucullatum, inodores. Un autre Cychnoches a porté simultanément deux inflorescences entière- ment dissemblables, l’une de Cyc. ventricosum, l'autre de Cyc. Egertonianum. Des phénomènes de dimorphisme ont été signalés chez des Vanda, des lonopsis, des Oncidium, des Odontoglos- sum. En voici un nouveau que nous avons sous les yeux en écrivant : un Üdontoglossum, étiqueté epidendroides, avait, 11 y a deux ans, donné des fleurs d’Od. Lindleyanum. W se reposa en 1875, mais au printemps de 4876 il produisit deux hampes érigées de grandes et belles fleurs, bien étoffées, d’une couleur gaie, passant du vert tendre au jaune clair, avec de grosses macules d’un brun chaud. À peine cette floraison était-elle ter- minée, que six nouvelles inflorescences parurent à la fois; mais à notre grand désappointement, ce furent de nouveau et sans exception des fleurs de Zindleyanum qui s'épanouirent. Elles étaient moins grandes de moitié, à pétales et sépales étroits, jaune mat avec des macules de nuance terne. Les hampes étaient inclinées et non droites, et l’ensemble maigre et insignifiant.
Toutes les étamines, sans exception, étaient avortées.
Presque toutes les parties de la plante sont sujettes à des métamorphoses accidentelles. Nous avons cultivé un Ornithi- dium miniatum qui, de pseudo-bulbeux, était devenu caulescent, à tige cylindrique déprimée, garnie de feuilles serrées, dis-
46 HISTOIRE — BOTANIQUE — CÜLTURE.
tiques et engainantes. Un Gomeza recurva R. Br., cultivé chez Galeotti à Bruxelles, portait à la base de chaque pédicelle une grande bractée jaunâtre, plus longue que la fleur, qui lui don- nait l'aspect d’une nouvelle et curieuse espèce. A la floraison suivante, les bractées avaient disparu et ne se sont plus revues.
Parlerons-nous, après cela, des turions qui naissent à la place des boutons à fleurs ou simultanément, sur la tige de certains Dendrobium et qui servent à les multiplier, ou des plantules qui prennent la place des fleurs sur les hampes florales du Phalæ- nopsis Lüddemanniana et de quelques autres ?
Un Leptotes bicolor, jolie petite espèce à fleurs inodores, ayant voyagé dans un même panier avec un Lœlia crispa, également fleuri, avait pris dans le voyage une odeur assez semblable à celle du Lœælia, et la conserva toute la soirée, quoique tenu dans une autre pièce. Le lendemain, l'odeur avait disparu, et pour toujours. Etait-ce une simple imprégnation ? Mais d’autres plantes de divers genres, sortant du même emballage, ne sen- taient rien.
Au moment où nous écrivons ceci, nous avons en fleurs un Odontoglossum Uro-skinneri, qui développe successivement une vingtaine de fleurs, dont une seule a son grand labelle mauve très neltement et très brillamment bordé de pourpre vif, tandis que dans une autre ce labelle a pris une teinte intermédiaire entre le mauve et le pourpre.
Ne dirait-on pas, à voir la variabilité de certaines parties aractéristiques, même des organes les plus essentiels, que cette famille est une création récente, qui n’a pas encore pris son assiette définitive ?
CHAPITRE III.
DISTRIBUTION GÉOGRAPHIQUE.
LES ORCHIDÉES D'EUROPE. — Répandues dans presque toutes les parties du monde habitable, les Orchidées ne sont pas, à beaucoup près, régulièrement réparties entre les différentes régions. Notre Europe, en particulier, ne brille ni par le nombre ni par la beauté de ses espèces propres, et celles-ci n'y sont représentées, à très peu d’exceptions près, que par un nombre de sujets assez restreint. Sur quatre mille espèces décrites, nous en pouvons revendiquer une soixantaine, toutes terrestres, et toutes aussi à fleurs petites ou très petites, de couleurs le plus souvent assez sombres. Tout au plus jolies, aucune d'elles ne peut rivaliser avec les belles espèces exotiques.
On est tenté, au premier abord, d'attribuer cette pauvreté relative aux rigueurs du climat, l'Europe n'atteignant nulle part aux tropiques, et s'étendant, au contraire, jusqu'à la zone glaciale; mais cette explication ne suflit pas quand on considère les espèces nord-américaines et sibériennes. Les Cypripedium macranthum, humile, Spectabile, etc., de ces régions laissent loin derrière eux notre modeste Cypripedium Calceolus (fig. 69).
Les Orchidées d'Europe et du Nord en général sont toutes
48 HISTOIRE — BOTANIQUE — CULTURE.
des herbes à racines fibreuses, simples et à tiges annuelles. Elles sont vivaces par les griffes ou tubercules souterrains, arrondis ou palmés, que la plupart portent à la base de leurs tiges (fig. 70).
Bien moins belles que celles des pays chauds, les Orchidées d'Europe sont lout aussi curieuses et non moins dignes d'intérêt. On les rencontre dans des stations assez diverses ; en général, daus des lieux un peu couverts, humides, au sol tourbeux ou spongieux, résultant d’un sous-sol peu perméable. Il y en à de tout à fait aquati- ques. Mais il s’en trouve aussi qui, par exception, recherchent les prairies ar- gileuses, les collines et le soleil.
Le genre Orchis est celui qui offre le plus grand nom- bre d'espèces et les plus ré- pandues. Plusieurs mérite- raient une place moins rare dans nos jardins, là du moins où l'on peut leur trou- ver, sinon leur créer un sol et des conditions atmosphé-
Fig, 69. — Cypripedium Caleolus (t/, gr.nat) riques convenables. L’Orchuis maculata, la plus jolie, est aussi celle qui fleurit le mieux dans les jardins (fig. 73).
Viennent ensuite les Ophrys, moins communs, à fleurs très petites et de couleurs brunes ou sans éclat, mais si bizarres que même les Épiphytes intertropicales ne les surpassent point en étrangeté. C’est l'Ophrys myodes (fig. 77), dont les fleurs brunes et velues imitent à s’y méprendre une mouche cramponnée à la verdure ; Ophrys apifera (fig. 79), où l’on croit reconnaître une sorte d'abeille; l'Ophrys aranifera (fig. 84), où l’on cherche une forme d’araignée ; enfin l'Ophrys anthropophora (fig. 85),
DISTRIBUTION GÉOGRAPHIQUE. 49
dans laquelle l'imagination, une fois en jeu, a trouvé la figure d'un homme pendu.
Fig. 73 à 76. — Orchis maculata.
Les limites entre les genres Orchis et Ophrys ne sont pas
Fig. 77 et 78. — Ophrys myodes.
Fig. 79 à S3. — Ophrys apifera.
bien nettes. Le classement des autres Orchidées d'Europe a aussi donné lieu à bien des hésitations, et l’on a créé, pour les distinguer, une foule de genres, admis par les uns, rejetés par
4
50 . HISTOIRE — BOTANIQUE — CULTURE.
les autres, et dont la plupart n'ont certainement pas de raison d’être : Serapias, Epipactis (Gg. 86), Neothia, Malaxis, Limo- dorum, Cymbidium, Cypripedium , Salyrium, Habenaria , Spiranthes , Gymnadenia, Loroglossum, Cepha- lanthera (fig. 91), Corallorhiza (ig. 94), Anacamptis, Platanthera, Hy-
Fig. 84. — Ophrys aranifera, Fig, 85, — Ophrys Anthropophora (Aceras).
mantoglossum, Peristylus, Epipogium (fig. 97), Nephelaphyllum, Listera (fig. 102), Nigritella, Aceras, Herminium, Liparis (fig.
Pad
DISTRIBUTION GÉOGRAPHIQUE. 51
106), Sturmia. En voilà vingt-cinq, et nous ne sommes nulle- ment sûr de n’en pas omettre.
Fig. 86 à 90. — Epipactis palustris. Fig, 91 à 93. — Cephalanthera grandiflora.
En réalité, les soixante espèces d'Europe se classent sans » P
Fig. 94 à 96, — Corallorhiza innata. Fig. 97 à 101. — Epipogium aphyllum.
trop de peine dans les dix ou douze premiers genres cités et dans un très petit nombre d’autres. L'importance horticole des Orchidées d'Europe est, nous
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52 HISTOIRE — BOTANIQUE — CULTURE.
l'avons dit, à peu pres nulle. Cependant elles ont aussi quelques admirateurs, et il s’en rencontre, quoique bien rarement, des collections spéciales. Ces collections durent peu, sont sujettes à bien des mécomptes, et exigent certainement plus de soins et de patience intelligente que les plus belles serres d'Orchidées amé- ricaines où même indiennes.
LES ORCHIDÉES EXOTIQUES. GÉNÉRALITÉS. — On cite bien peu d'espèces d'Orchidées qui seraient communes à l’ancien monde
Fig. 102 à 105. — Listera ovata. Fig. 106 à 108, — Liparis Lœselii.
et au nouveau. Le Cypripedium Calceolus a été trouvé, dit on, dans le nord de l'Amérique; n'est-ce pas une forme du Cypri- pedium pubescens qui a usurpé ce nom? Le Cypripedium qut- latum appartiendrait à la fois au Canada et à la Sibérie. Ce fait à peu près unique n'infirme guère cette règle de la sépara- tion complète des espèces entre les deux mondes.
I n'en est plus de même quant aux yenres, qui sont repré- sentés, quoique assez rarement, dans l’un et l’autre hémisphère ; mais un fait jusqu'ici incontestable, c’est qu'il n’y à aucun genre de cette immense famille qui se retrouve, n'importe sous quelle
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lorme spéciale, à la fois dans les cinq parties du monde. Les
DISTRIBUTION GÉOGRAPHIQUE. 53
Cypripedium, dont l'aire de dispersion est immense, qui habitent à la fois l'Europe, l'Asie, l'Amérique Nord et Sud, ainsi que l'archipel malais, le Japon et les Philippines, paraissent manquer à l'Afrique et à l'Australie. Le genre Dendrobium (fig. 109) est commun à l'Asie tropicale et à toutes les grandes îles de l’océan Indien, aux Philippines, au Japon, aux grandes îles de la Méla- nésie et à la Nouvelle Hollande. Il n'existe, en revanche, ni en Europe, ni en Amérique, ni en Afrique. Les Calanthe, qui sont étrangers à l'Europe, ont une espèce très douteuse au Mexique, une autre au moins à Natal et à Bourbon, et atteignent le Japon et l'Australie. Les Vanda, les Aerides, ont à peu près la même patrie asiatique et insulaire que les Dendrobium, moins l'Australie. Les Phalænopsis occupent, avec un même centre, une aire encore plus limitée. En revanche, les Vanilla, qui n'ont que très peu d’espèces, existent à la fois en Amérique et en Asie. Les Æpidendrum, qui comptent de trois à quatre cents espèces, groupées sous plusieurs formes typiques bien caracté- risées, sont cependant exclusivement propres à l'Amérique. I] en est de même de leurs brillants alliés, les Cattleya et les Lœlia.
Le groupe si considérable des Oncidium, des Odontoglossum, des Miltonia, etc., que des aflinités botaniques rattachent aux Vandées d'Asie, n’en est pas moins exclusivement américain, avec les Lycaste, les Maxillaria, les Masdevallia, les Brassavola, les Zygopetalum et bien d’autres. En revanche, les Bletia d'Amé- rique ont des congénères à la Chine et au Japon. Les Angræcum s'étendent surtout au sud de l'équateur, depuis la côte occiden- tale d'Afrique, Madagascar, l'île Bourbon et l'Inde, en remon- tant jusqu'au Japon, mais sans aborder l'Amérique. Le genre Disa ne se trouve qu’à la pointe sud de l'Afrique. Les petites iles de la mer Pacifique (fig. 110) renferment quelques Orchidées qui dérivent de la flore asiatique ou malaise, et point de celle d'Amérique. La flore des Antilles dépend, au contraire, exclu- sivement du continent voisin.
Cet enchevêtrement apparent, à côté de l’étroite localisation
HISTOIRE — BOTANIQUE — CULTURE.
ot
de certains genres, n'offre, au premier abord, aucun sens.
Fig. 109, — Dendrobium tortile (figure empruntée au (ardeners’ Chronicle.)
Cependant un examen plus attentif suggère cette singulière idée, que les races d’Orchidées s’étendraient en avançant de l’ouest à
DISTRIBUTION GÉOGRAPHIQUE.
en ot
l’est, à l'inverse des races humaines, qui ont toujours progressé de l’est à l’ouest. Les Angræcum de l'Afrique n'ont aucun repré- sentant en Amérique, mais à l'est ils s'étendent, à travers le continent, à Madagascar, à Bourbon, et de là d’un seul saut au Japon. Les Æpidendrum, les Oncidium, les Cattleya de la
l'ig. 110. —-Pic de Moorea (Polynésie).
flore américaine vont aux Antilles, à l’est; à l’ouest, nulle part. Les Cypripedium passent des montagnes rocheuses et du Canada à la Sibérie, mais non à la Californie ou à l'Orégon.
Entre l'Amérique méridionale, le plus isolé des continents, et le vieux monde, les rapprochements doivent être très rares et le sont en effet. Peut-être même ceux que l'on constate ne sont-ils pas indiscutables. Les Selenipedium sont devenus botaniquement
56 HISTOIRE — BOTANIQUE — CULTURE.
des Cypripedium; is ne se distinguent pas moins, au premier coup d'œil, des autres sections du genre. Les Vanilla sans feuilles et à grandes fleurs de la Malaisie ne ressemblent guère à leurs congénères aromatiques du Nouveau-Monde. Le Bletia hyacinthina de la Chine et du Japon a reçu quatre ou cinq noms avant d’être admis dans le genre américain Bletia. Il faut bien admettre que les flores continentales et régionales ont apparu à des époques successives en concordance avec les grands phéno-, mènes géologiques, et que l'Amérique, émergée la dernière (?), isolée partout du monde ancien, ne s’en rapprochant que par les déserts de glace de l'extrême nord, n’a pu emprunter à celui-ci qu’une minime partie de son mobilier végétal. Comment révoquer en doute cependant une intime parenté organique entre les Cypripedium du Canada et ceux de la Sibérie, deux régions assez analogues par le climat, mais que séparent deux mille lieues de mers et de glaces? Comment admettre, d'autre part, que les uns dérivent des autres malgré les obstacles de la natureet les différences spécifiques? Nous touchons ici à de graves problèmes, tels que la valeur réelle du genre ou la mutabilité de l'espèce.
Si l'espèce est immuable, chacune est une création à part, sans parenté quelconque avec aucune autre ni avec le genre qui les renferme toutes. Elle existe par elle-même ; il n’y a que des ressemblances. À ce compte, toute méthode est artificielle ; le genre n'est qu'un terme de convention ; la famille est surtout une expression impropre.
Certes, on peut être en désaccord à propos de la nécessité ou de l'utilité de certains genres, ainsi que sur les limites qu’on leur assigne. Peu importe, au point de vue philosophique, que tel Lælia soit un Caltleya où que tous les deux soient des Epidendrum ; mais il y a des genres si nettement caractérisés et tellement bien délimités, que leur existence naturelle s’impose à l'esprit; les Cypripedium, par exemple, les Masdevallia et d’autres. Si cependant ces genres existent naturellement, on ne peut leur refuser la préexistence, n'importe sous quelle forme typique, et les espèces ne sont que dérivées.
DISTRIBUTION GÉOGRAPHIQUE.
ox “1
De même pour la famille : quoi de plus naturel que celle des Orchidées ? Mais comment expliquer, sans recourir à ce triste mot de caprice, l’apparente stérilité de la Création qui aurait varié quatre mille, six mille fois sur le même thème, sans qu'un seul de ces six mille types procédât d'un autre ou püût en pro- créer un différent de lui-même ?
Descendons de ces hauteurs, et revenons à l'étude des faits.
DISTRIBUTION GÉOGRAPHIQUE DES ORCHIDÉES. — LE NORD. — La distribution géographique des Orchidées entraînant forcément de grandes modifications dans leur structure et dans leur ma- nière de vivre, offre un sujet d'étude d’un haut intérêt.
Nous avons parlé d’Orchidées de l'extrême nord, bien plus belles que celles d'Europe ; elles appartiennent presque toutes au genre Cypripedium, et n'étaient les difficultés de leur culture, elles seraient dans tous les jardins.
La Sibérie nous offre les Cypripedium quttatum SW., macran- thum SW., ventricosum SW., dont les fleurs, à grand labelle blanc et rose diversement nuancé, sont d'un très-bel effet. Le Canada, les États-Unis, ont les Cypripedium pubescens Wild, et parviflorum Salisb., qui se rapprochent de notre Calceolus, avec des teintes également jaunes et brunes, et les Cypripedium spec- tabile (fig. LL) Sw., humile SW... candidum Wild. et arietinum R. Br., rivaux des espèces de Sibérie, à fleurs distinguées blan- ches et roses, etc.
Ces Orchidées sibériennes et nord-américaines ont des fleurs solitaires et des feuilles radicales ; ce sont des plantes de taille médiocre, habitant les bas-fonds humides, les prairies maréca- geuses ou rarement les collines modérément ombragées. Leurs tiges annuelles disparaissent de bonne heure. Dans la culture, on en obtient très difficilement des touffes portant plusieurs fleurs à la fois, sinon elles pourraient être comparées aux plus belles espèces équatoriales.
Parmi les autres Orchidées du nord et de plein air, réclamant tout au plus ici la protection d’un châssis vitré et de quelques
38 HISTOIRE — BOTANIQUE Le CULTURE.
feuilles sèches, nous pouvons citer les Æabenaria des Etats-Unis, tous très curieux, dont quelques espèces sont réellement jolies, telles que les Habenaria ciliaris et fimbriata : les Calopogon
Fig. 111, — Cypripedium spectabile.
pulchellus, Orchis spectabilis, Malaxis lilüfolia, Platanthera incisa, etc., du même pays, petites plantes vivaces par leurs parties souterraines ; le Goodyera pubescens, à feuillage très agréablement réticulé, etc.
Le genre Orchis reparaït de l’autre côté de l'Océan, mais par
DISTRIBUTION GÉOGRAPHIQUE. 59
une espèce étrangère à l'Europe, de même qu'un Cypripedium unique relie notre flore à celle des autres parties du monde.
Si les Orchidées indigènes sont difficiles à introduire dans nos jardins et se prêtent mal à toute culture artificielle, on présame bien que celles des États-Unis, pays où le climat, voisin du nôtre, s’en distingue par des excès de chaleur et de froid, ne sont pas moins rebelles à nos soins. Les espèces canadiennes et sibériennes, exposées chez elles à des températures hivernales excessives, dont nos plus rudes n’approchent pas, sembleraient, au premier abord, n'avoir rien à craindre de nos hivers; mais il faut se garder de ces appréciations fondées sur le seul élément thermométrique. Le fait est que beaucoup de plantes polaires gèlent chez nous, en février ou mars principalement, dans les alternatives fréquentes ici de gelée et de dégel. On le comprendra, si l’on tient compte de cette circonstance que, dès le mois d’oc- tobre et même de septembre, les pays de l'extrême nord se couvrent de neige, et que cette neige, continuant à tomber jusqu'à 1 mètre et plus d'épaisseur, est mauvaise conductrice de la chaleur, de telle sorte que, quand le thermomètre marque à l'air libre —35, —/40 degrés et bien au delà, il n'y a toujours sous la neige qu'un froid très modéré, mais constant. Lorsqu'enfin l'été revient, comme le pâle soleil de ces régions met beaucoup de temps à fondre la masse des neiges, l’été se trouve bien établi lorsque les plantes revoient le jour et reprennent leur courte et rapide végétation.
Or ne s’étonnera plus si nous disons que ces Orchidées des hautes latitudes devront, chez nous, se cultiver sous châssis ou en serre froide très aérée plutôt qu’en plein air.
Cette culture sous châssis, dans un compost approprié à leur nature et bien drainé, s’appliquera avec succès, quoique pour des raisons différentes, aux espèces du bassin méditerranéen et de l’Orient tempéré, qui offrent de grandes analogies avec les nôtres, mais dans des proportions moins exiguës. Le nombre en est très limité d’ailleurs, et l'intérêt assez médiocre. Il n'y à rien là qui doive nous étonner : les Orchidées ont besoin d’une
60 HISTOIRE — BOTANIQUE — CULTURE.
atmosphère saturée de vapeurs et d’un sol plus ou moins humide; or le midi de l’Europe offre rarement de telles conditions, qui sont plus rares encore au nord de l'Afrique et même dans tout l'Orient. Ce sont, du reste, les genres européens, les Orchis, les Ophrys, etc., qui se retrouvent à Madère, en Mauritanie, en Anatolie et jusqu’en Perse.
SUITE : LES ZONES EXTRA-TROPICALES. — On s’attend, d’après ce qui précède, à voir les Orchidées beaucoup plus nombreuses et plus belles à l’approche des tropiques, sous un soleil plus radieux et des températures plus régulières et plus douces. Mais quand on étudie la climatologie des régions situées immédiate- ment au nord du tropique dans notre hémisphère, et même la bande correspondante de l'hémisphère austral, on est étonné de voir que le caractère dominant de ces deux zones, c’est la sécheresse excessive des étés, la prédominance des déserts arides et des températures excessives. Le centre de l’Asie, entre l'Altaï et l'Himalaya (fig. 112), offre ces caractères à un haut degré : étés excessivement chauds et très secs; hivers très rudes. Nous n'avons besoin que de nommer la Libye et le Sahara en Afrique, types de sécheresse et de désolation. Le bassin du Mississipi, le Texas, la Californie, le Nouveau-Mexique, bien mieux partagés d'ailleurs, ont aussi leurs vastes déserts de sable, leurs étés secs et brülants et leurs hivers rigoureux. Dans l'hémisphère sud, les pampas de Buenos-Ayres et de l’Araucanie (fig. 143), une bonne partie du Chili, ete., sont dans des conditions à peu près semblables, ainsi qu'une grande sur- face de Afrique australe. La Nouvelle-Hollande, au sud du tropique, comme au nord, est un désert inhabitable faute d’eau. I n’y a donc que très peu de place pour les Orchidées dans ces deux larges zones, qui finissent, au nord et au sud, dans le voisinage des tropiques.
Il faut signaler, cependant, de très intéressantes exceptions : une partie de la Chine et du Japon, la colonie du Cap, Natal, la Nouvelle-Galles du Sud. Là, sous des chaleurs modérées et
— L'Himalaya,
112,
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lig,
62 HISTOIRE — BOTANIQUE — CULTURE.
des hivers doux, avec des pluies plus ou moins régulières, les Orchidées reparaissent, non plus humbles et sans éclat, comme
en Europe, mais sous des formes déjà robustes, avec des tiges
vivaces et de grandes et belles fleurs, dont quelques-unes ne craignent aucune comparaison. La plupart de ces espèces sont terrestres, mais non plus à la manière des nôtres, et la transition vers les formes et les habitudes des Orchidées intertropicales est déjà très marquée.
Fig, 113. — Ile du Tigre (La Plata).
Nous ne connaissons passablement de la Ghine et du Japon que les parties méridionales et côtières ; le reste a été peu ou point exploré par les botanistes. Canton, Hong-Kong, Macao, sont à peu près à la latitude de Calcutta, sur le tropique même. L'île méridionale du Japon, quoique à quelques degrés plus au nord, doit à sa situation maritime un climat semi-tropical. Les Orchi- dées connues de ces deux grands pays se rattachent intimement à la flore indienne ou malaise. Le grand genre Dendrobium (fig. 11h) s'étend jusqu'en Chine par le beau Dendrobium nobile, et jusqu'au Japon par les Dendrobium japonicum et moniliforme. Les Vanda sont représentés en Chine par le Vanda concolor BI. et le Vanda multiflora Ldl. (Acampe multiflora Lai.) ; les Phajus, par le
DISTRIBUTION GÉOGRAPHIQUE. 63
Phajus grandifolius. Les deux pays possèdent plusieurs espèces de Cymbidium. D'autre part, les Aérides de l'Asie tropicale poussent une pointe jusqu'au Japon (A. japonicum), ainsi que les Angræcum d'Afrique (A. falcatum) et les Calanthe (C. Sie- boldi, etc.). Le petit Cælogyne fimbriata de Chine tient à l’Asie tropicale par toutes ses attaches, aussi bien que l’£ria rosea. Les Sarcanthus de même se rattachent à l’Asie et à l’Australie équatoriales. Enfin, les Cypripedium japonais jusqu'ici intro- duits sont du type indo-malais (fig. 118).
Ce n’est donc point là une flore nouvelle et spéciale, mais une extension de la flore de l'Inde et des îles asiatiques. Il n’en est pas moins vrai que ces Dendrobium, ces Aerides, ces Vanda, etc., égarés au delà du tropique, ceux du Japon surtout, n’ont pas besoin, à beaucoup près. de la chaleur nécessaire aux autres, de sorte que les admirateurs de ces splendides Orchidées indiennes qui n'ont pas à leur disposition une serre de haute chaleur, ne sont pas absolument privés pour cela d'en posséder un certain nombre.
Cette flore boréale tempérée s'étend aussi sur une étroite bande le long des pentes méridionales de l'Himalaya. Vers le 27° et le 28° degre de latitude, cette grande chaine s’abaisse et s’élargit en ramifications qui enserrent les hautes vallées du Népaul, du Bootan, du Sylhet et de l’Assam supérieur. Là règne un climat semi-tropical dans le fond des vallées, mais assez rude partout ailleurs. Cependant les Orchidées de l'Inde y sont représentées par de très belles espèces, qui ne sont pas infé- rieures à leurs congénères de la région chaude, et viennent prendre place dans nos serres tempérées où tempérées-froides (Vanda cærulea, V. teres, Cœlogyne cristata, et d’autres, les Thunia, les Pleione, plusieurs beaux Dendrobium, des Cypri- pedium, des Cymbidium, des Calanthe).
Si maintenant nous passons dans l'hémisphère austral, ou les terres tempérées sont, d’ailleurs, de bien moindre étendue, nous n'aurons pas non plus à enregistrer de grandes richesses. Les immenses pampas n’ont qu'une végétation spéciale, maigre
üE HISTOIRE — BOTANIQUE — CULTURE.
et rabougrie. Le pêcher, originaire de Perse, est presque le seul
Lig, 114 à 117. — Dendrobium Hillii (speciosum var.)
arbre qui y prospère ; il fournit le bois de chauffage. Le chardon d'Europe y à trouvé une moins ingrate patrie. Îl faut remonter
DISTRIBUTION GÉOGRAPHIQUE. 65
jusqu'à Montevideo pour découvrir une belle Orchidée, l'Onci- dium bifolium, membre dépaysé de la flore brésilienne. Le
Fig. 118 à 120. — Cypripedium japonicum ({/, gr. nat.). [Réduction faite d’après le Gurdeners Chronicle.]
Chili n'a donné à notre horticulture aucune Orchidée vivante. Nous devons à la Patagonie quelques arbustes, mais rien de plus. Pourquoi la Nouvelle-Zélande, la terre de promission pour
2
66 HISTOIRE — BOTANIQUE — CULTURE.
les Fougères arborescentes (fig. 121), que favorise son climat maritime, tempéré et humide, est-elle pauvre en Orchidées? Elles ne sont pas plus communes dans la Tasmanie (île Van Diemen), grande terre fertile et bien arrosée, et sur le continent voisin (Nouvelle-Hollande), il s'en faut qu'elles abondent. Il est
Fig. 121. — Forêt d'Australie.
curieux, d’ailleurs, de remarquer que vers le 28° degré sud, là où apparaît enfin une espèce distinguée, la seule, pour ainsi dire, qui le soit ; elle relève de la flore asiatique (Dendrobium speciosum).
C'est encore le même genre Dendrobium qui domine au nord de l'Australie ; mais ici nous sommes en pleine zone intertropi- cale et même équatoriale.
DISTRIBUTION GÉOGRAPHIQUE. 67
Le champ se rétrécit de plus en plus; il ne nous reste à visiter que l'extrémité méridionale de la stérile Afrique; et cependant ici la scène change, et les environs du cap de Bonne- Espérance vont, tout au rebours de cette stérilité traditionnelle, étaler aux yeux étonnés une des flores les plus originales, les plus variées et les plus riches qui soient au monde.
Nous ne résistons pas au désir de citer sans ordre cette pro- digieuse accumulation de plantes succulentes : Aloës, Ficoïdes, Crassules, Stapeliées, Euphorbes; et ces Pelargonium, dont l’horticulture a tiré des merveilles ; et ces ravissantes Iridées : glaïieuls, ixias, sparaxis, etc.; enfin les Bruyères aux mille nuances, toutes plus gracieuses les unes que les autres, et tant d’autres trésors que l’horticulture européenne est encore réduite à envier.
Les Orchidées aussi ont leur place dans ce petit monde à part, et ce ne sont ni les moins aimables ni les moins enviées des amateurs.
C'est au nord de la ville du Cap, sur la montagne même qui la domine, dans d’étroits vallons ou plutôt des ravins parcourus par des cours d’eau, que la famille des Orchidées a établi son domaine. Les espèces du Cap sont bien distinctes de celles de la côte équatoriale d'Afrique. de Madagascar ou de Bourbon. Ce sont des types originaux, dont l'aire est assez exactement limitée à la colonie du Cap. Toutes sont terrestres. Celles des montagnes, vivant dans un climat presque froid, ont des tiges herbacées qui fleurissent la seconde année et meurent ensuite ; mais, à la différence des types du nord, elles sont sans tuber- cules, et leurs tiges nouvelles paraissent bien avant que les anciennes soient flétries. Tels sont, du moins, les isa et les Satyrium.
D'autres genres, terrestres toujours, ont une organisation différente, une forme de transition, sans doute parce qu'ils croissent dans les vallées basses, sous une température plus chaude. Ils sont munis de pseudo-bulbes, qui ne sont pas des racines, comme les tubercules des Orchis, mais des tiges renflées
68 HISTOIRE — BOTANIQUE — CULTURE.
et succulentes. Ces pseudo-bulbes ne se tiennent pas sous le sol, mais toujours à la surface, à la base des tiges. Les inflores- cences ne font plus corps avec la tige (Lissochilus, Eulophia). De là aux Épiphytes, il n’y a, pour ainsi dire, que la différence des milieux. Un pas de plus vers le tropique, à la colonie de Natal, on trouve déjà les formes intertropicales, un peu mitigées et avec des tempéraments plus robustes.
Le genre Disa (voir PI. 18) est de beaucoup le plus beau comme le plus considérable de l’Afrique australe tempérée. Le magnifique Disa grandiflora a été importé en Europe dès le pre- mier quart de ce siecle, mais longtemps on a ignoré l'art de le cultiver et de le faire fleurir. On sait aujourd’hui que, crois- sant à profusion sur la montagne de la Table, au bord des ruis- seaux et des mares qui inondent leurs rives en hiver, il faut le traiter comme une plante des marais, lui donner de l’eau à profusion lorsqu'il végète, et d’ailleurs ne le laisser jamais sec; de l'air en tout temps, une atmosphère humide, et 2 ou à degrés de chaleur en hiver lui assurent une bonne végé- tation.
Les espèces de Disa sont très nombreuses, mais d’un mérite inégal. Un petit nombre seulement vit dans les collections d’Eu- rope; le D. Barelli, voisin du grandiflora, en diffère surtout par la coloration du segment supérieur. On a encore les D. Herschelli, à fleurs bleues, #macrantha, dont les grandes fleurs maculées de carmin sont blanches ou rosées, même rose foncé. On cite encore comme récemment introduites en Angle- terre, où elles n’ont pas fleuri que nous sachions, une quinzaine d’autres espèces de toutes couleurs. à fleurs moins grandes, mais néanmoins fort jolies. Il y en a bien d’autres.
Une Orchidée terrestre pseudo-bulbeuse, d'un genre répandu dans l'Afrique tropicale, l’£Eulophia Dregeana, croit aussi au Cap. C'est une belle et robuste espèce, dont les longs épis de fleurs à pétale chocolat, avec le labelle blanc, simulent une ran- gée de pigeons pendus par le bec.
Le genre Lissochilus mérite aussi une mention spéciale. Le
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vieux L. speciosus, introduit d’ancienne date et bientôt négligé dans nos serres chaudes où il ne fleurissait pas, s’est montré, sous une culture mieux entendue, avec des épis de magnifiques fleurs jaunes ressemblant à des papillons, et de longue durée.
Le Bonatea speciosa Willd., des mêmes contrées, est une espèce tuberculeuse se rapprochant des Orchis d'Europe, mais à grandes et curieuses fleurs blanches et jaunes, odorantes. Les Satyrium forment un autre groupe, moins riche que les Disa, mais à fleurs assez grandes et fort jolies dans quelques espèces, comme les S. aureum, carneum, cucullatum, gramineum, etc.
De tout cela, hors deux ou trois Disa, l'Europe ne possède que quelques exemplaires disséminés dans les serres d’Angle- terre, et depuis trop peu de temps pour qu’on ait pu les appré- cier. Ce n’est pas, à beaucoup près, ce que nous réserve cette pointe de l'Afrique, au climat doux et fécond. Nous empruntons à l'excellent livre de M. B. S. Williams une citation du voya- geur M. Plant, à propos de cette contrée privilégiée :
« Les Orchidées terrestres sont nombreuses et magnifiques. Dans mon opinion, 1l y en a beaucoup qui sont à peine infé- rieures aux plus brillantes Épiphytes. Imaginez une plante ayant le caractère général d’un Ophrys, produisant un épi de fleurs aussi grandes et aussi serrées que celles d’un Saccolabium guttatum, long souvent de 2 pieds, à fleurs d’un saumon vif mêlé de jaune non moins brillant. Une autre avec un feuillage plissé, portant une tête serrée d’une vingtaine de fleurs jaune vif, avec un labelle cucullé marqué d’une large tache carminée, à la manière d’un Dendrobium. Puis c’est une autre avec des feuilles charnues et un épi droit, long de 2 pieds, portant de quinze à trente grandes fleurs jaunes, à labelle ligné et tacheté d’un pourpre pâle, ayant l'aspect de quelque robuste £prden- drum. »
Les Orchidées que nous venons de passer en revue forment le domaine des cultures de châssis froid, de serre froide (3 degrés au minimum), ou tout au plus de serre tempérée froide (+5 ou 6 degrés au plus bas). Réunies dans cette dernière aux Orchidées
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des hautes altitudes, du Pérou, de la Nouvelle-Grenade, du Guatemala, du Mexique, etc., elles composent aujourd'hui des collections spéciales moins exigeantes, et tout aussi belles que celles de serre chaude,
LES ORCHIDÉES DES ZONES INTERTROPICALES. — Nous avons rendu justice à quelques rares et belles Orchidées du Nord, dont les meilleures vont braver de près les rigueurs du climat polaire. Nous avons dit aussi ce que vaut le contingent de l’Europe, auquel se joint l’apport du bassin méditerranéen et de tout l'Orient. Jusque-là les Orchidées n’occupent, dans le monde végétal, qu'une place fort étroite et fort humble. De plus, elles ne sont, et par leur structure et par leur manière de vivre, que des plantes curieuses, n’ayant en somme rien de plus original que tant d’autres. Le Japon, la Chine, parmi les pays tempérés, le cap de Bonne-Espérance surtout, ajoutent quelques richesses à cette pauvreté; mais outre que les Orchi- dées connues de la Chine et du Japon ne vivent qu'à la limite méridionale de ces deux empires, et ne sont que des membres éloignés de la grande famille indienne, il demeure vrai que jus- qu'aux 27° et 28° degrés au nord et au sud de l'équateur, dans d'immenses espaces comprenant au moins les deux tiers des terres émergées, les Orchidées ne justifient pas l’énorme impor- tance qu’elles ont acquise dans le monde de la botanique et de l'horticulture.
C’est qu’en effet des terres fertiles, revêtues d’une végétation puissante qui les protège et leur dispense l’ombre (fig. 122) ; un air toujours chargé de vapeurs aqueuses ; des pluies périodiques ou très fréquentes, et un climat plutôt tiède que très chaud, même froid sous certaines conditions, mais régulier, sans excès ni variations désordonnées : voilà ce que commande la nature propre des Orchidées, et ce qu'elles trouvent très rarement dans les zones froides ou tempérées.
Mais avant même qu'on ait franchi les tropiques, la magnifi- cence de cette noble famille éclate aux yeux les moins prévenus.
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Dans cette zone qui enserre le globe sur une largeur de 1400 ou 1500 lieues, dont l'équateur marque à peu près le centre, les Orchidées trônent avec une richesse, une variété, un éclat incomparables; elles se montrent sous des aspects nouveaux et enchanteurs. Au nord, ce n'étaient que d’humbles herbes, à demi cachées sous le gazon et disparaissant après une courte période de vie active; dans les régions équatoriales elles prennent des proportions orgueilleuses. Des Sobralia, des Dendrobium élèvent des tiges droites de 2 et 3 mètres, que surmontent d'énormes fleurs ; des hampes florales d'Oncidium, de Lœlia, de Schomburgkia, se dressent à 12 ou 15 pieds au- dessus du feuillage; des pseudo-bulbes de Cyrtopodium n'ont pas moins de 2 à A pieds de long. Une foule de Vandées indiennes jettent des tiges cylindriques et radicantes, qui s’allongent au loin en se cramponnant aux arbres; les Vanilles deviennent de vraies Lianes, courant à travers les sous-bois de la forêt et jusqu’au sommet des arbres.
Quelques-unes de ces plantes perdent leurs feuilles dans la saison sèche, mais aucune ne disparaît.
Ce qui distingue nettement les Orchidées intertropicales, c’est le mode d'existence qu'elles adoptent pour la plupart, c’est la vie épiphyte (fig. 423).
On nomme épiphytes (du grec &x, sur; et qurov, plante), les végétaux qui vivent habituellement sur d’autres, mais non aux dépens de ceux-ci. T1 ne faut pas confondre les parasites, comme le gui, qui pompent la sève des arbres et meurent de leur mort, avec les Épiphytes, qui demandent aux arbres un simple sup- port, une demeure aérienne, certaines conditions d'air, de lumière et d'ombre, mais qui peuvent exister tout aussi bien sur le bois mort ou même sur les rochers moussus.
Pour concevoir une telle manière de vivre chez des plantes qui prennent souvent un ample développement, il faut se faire une idée de ces climats équatoriaux, surtout de leur constitution atmosphérique, si différente de la nôtre (fig. 124).
Les Orchidées intertropicales ne sont point toutes épiphytes ;
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ce n’est là une condition habituelle que pour la majeure partie, et encore parmi ces dernières, le plus grand nombre s’attachent indifféremment aux roches et aux débris végétaux tombés sur le sol. Une fraction seulement est exclusivement aérienne, et s'attache aux hautes branches pour y chercher plus d'air et de lumière.
Il y a aussi, dans la même zone, des Orchidées terrestres, mais à tiges persistantes et dont quelques-unes affrontent, dans les plaines nues, le soleil brûlant de l'équateur. Ainsi des Cata- setum, des Cyrtopodium, des Sobralia, etc. D’autres cherchent l'ombre autant que les Épiphytes.
On peut remarquer que les espèces terrestres des régions chaudes ont des pseudo-bulbes relativement très volumineux, renfermant beaucoup de substance alimentaire, aux dépens de laquelle elles subsistent durant les longues périodes de séche- resse ; tandis que d’autres, comme les Sobralia, sont munies d’un énorme paquet de racines traçantes. Celles-ci, d’ailleurs, vivent dans une zone moins sujette aux sécheresses prolongées,
Les Orchidées terrestres des régions chaudes n’ont point de racines tuberculeuses ; leurs tiges persistent pendant des années, même après avoir fleuri et fructifié, et elles possèdent encore bien souvent, après deux ou trois ans, assez de vie pour donner naissance à des rejetons qui servent à les multiplier.
La forme pseudo-bulbeuse appartient aux terrestres aussi bien qu'aux épiphytes. Dans les premières, les tiges pseudo-bulbeuses s'appuient sur le sol, se cachent même sous les herbes ou les mousses, mais ne pénètrent jamais dans le sol. Ce sont des tiges renflées, non des parties radiculaires et hypogées.
Comme les Épiphytes, elles sont pourvues de rhizomes, tiges rampant sur la terre, qui relient les pseudo-bulbes et la végé- tation aérienne. Leurs fleurs ne sont guère moins belles que celles du reste de la famille.
LES ORCHIDÉES ÉPIPHYTES. — Il n’en est pas moins vrai que les Orchidées épiphytes sont, et par leur nombre immense, et
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par la singularité de leurs mœurs, aussi bien que par l'éclat de leur floraison, les reines de la famille. L’incomparable tribu des Vandées leur appartient presque tout entière ; celle à peine moins admirée des Épidendrées, en très grande partie. Les Ma-
Fig. 125, — Phalænopsis Portei, (Réduction faite d’après un dessin du Gardeners' Chronicle.)
laxidées ÿ tiennent par les splendides Dendrobium et par quel- ques autres genres ; les Aréthusées ont les Vanilla, et il n’y à pas jusqu'aux Cypripédiées qui prennent, dans les îles asiati- ques, des allures épiphytes, témoin le Cypripedium Low. Pour que des plantes dont le développement est quelquefois assez rapide, qui forment de larges touffes et donnent naissance à des inflorescences considérables, puissent trouver assez de
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nourriture dans la situation aérienne qu'elles affectionnent, il faut que les phénomènes atmosphériques leur apportent les élé- ments dont elles ont besoin. Ceci est hors de doute. Mais com- ment leur parvient cette nourriture, sous quelle forme, par quels véhicules ? C’est là une question intéressante et qui a donné lieu à bien des controverses. Est-ce l'atmosphère des forêts vierges, des jungles, des paramos, de tous ces déserts où le sol est couvert de matières végétales en décomposition, qui leur apporte la vie? Est-ce l’eau des pluies, des brouillards et des rosées ? Est-ce la poussière chassée par les vents ? Enfin, n'est-ce pas tout simplement le support où elles incrustent leurs racines et les mousses qui le couvrent, dont la décomposition leur fournit des aliments ?
M. Duchartre s’est livré, dans les serres du Muséum, à d'in- téressantes expériences ayant pour objet de vérifier si des Orchi- dées, simplement suspendues par un fil dans un air chargé de vapeurs, prendraient de l'accroissement. Il a constaté que toutes, au contraire, avaient perdu quelque chose de leur poids après un séjour plus ou moins prolongé sous une cloche de verre reposant sur une soucoupe pleine d'eau. Ce résultat est important. mais il ne résout pas le problème. Étroitement enfer- mées sous verre, saturées d’eau en même temps que privées de tout renouvellement d'air, ces plantes n'étaient pas dans des conditions normales, et si l'absorption des gaz par les racines des Orchidées est possible à l’état de nature, elle pouvait ne plus l'être dans l'expérience citée.
On peut objecter, en thèse générale, que si beaucoup d'Or- chidées émettent de grosses racines prenantes, qui s’attachent aux arbres et rampent sous les mousses, d’autres ne tiennent à leur support que par quelques radicelles, tout juste suffisantes pour les fixer, tandis qu’elles émettent des paquets de racines flottantes, tout à fait aériennes, dont la profusion n'aurait pas de but si elles ne se nourrissaient qu'à la façon des espèces ter- restres. Notons encore que ce sont précisément les espèces le plus franchement épiphytes, celles qui élisent domicile sur les
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plus hautes branches, dans une atmosphère plus libre et plus pure,
Fig. 126. — Angræeum croissant sur un Strychnos (Madagascar).
qui multiplient à ce point leurs moyens d'absorption (fig. 195).
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Laissons donc ce débat sur lequel le dernier mot n’est pas dit. Personne ne songe à cultiver les Orchidées à nu, suspen- dues dans l’air, pas plus qu’à enterrer leurs pseudo-bulbes à la façon des jacinthes,. comme faisaient les jardiniers d'autrefois. Tenons seulement pour établi que les Orchidées en général, et les Épiphytes tout particulièrement, veulent une atmosphère chargée de vapeurs aqueuses.
Les Orchidées qui germent et se développent sur le tronc des arbres, dans les plis de l'écorce ou même sur des écorces pres- que lisses, ne peuvent être comparées, comme on l’a fait à tort, aux plantes qui se sèment sur la tête des saules creux. Celles-ci croissent dans un terreau naturel, à peu près comme des plantes cultivées en pots. Les Épiphytes recherchent les corps durs ; elles sont prenantes par leurs racines, qui s’incrustent dans les fissures et même sur les surfaces lisses.
Il est à remarquer d’ailleurs que les Orchidées terrestres des régions chaudes ou tempérées ont des racines également pre- nantes, mais à surface plus ou moins velue. Ce genre de racines les différencie nettement des plantes terrestres ordi- naires; il autorise à penser qu'elles ne sont terrestres qu'à demi, sous certaines conditions qui les rapprochent des Épi- phytes (fig. 126).
Sur la Rivière Saint-Juan (Panorama).
CHAPITRE IV: CLIMATOLOGIE.
ÉTUDES DE CLIMATOLOGIE APPLIQUÉE. — Les Orchidées en gé- néral et les Épiphytes tout particulièrement étant dans une étroite dépendance du climat et des conditions atmosphériques sous lesquels elles naissent et vivent, il est impossible, non seu- lement de les cultiver en serre, mais de comprendre bien ce qu'elles sont, comment et de quoi elles se substantent, si l’on n’a pas une notion suflisante des contrées qui les recèlent. Or les idées répandues à cet égard sont loin d'être exactes et complètes; une foule d'erreurs trop accréditées entravent le progrès.
Nous avons déjà parlé du climat arctique et de ses terribles hivers auxquels les Orchidées sibériennes échappent sous quel- ques pieds de neige, tandis qu’elles périssent chez nous par l'effet des gelées printanières. C’est là un fait capital que le cul- valeur ne peut pas perdre de vue.
Nous ne dirons rien de la climatologie de l’Europe, ni de celle du bassin méditerranéen presque aussi connu.
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Le caractère distinctif des régions intermédiaires, jusqu’au voisinage du tropique, est surtout dans la chaleur équatoriale et l'extrême sécheresse des étés, auxquels succèdent de courts hivers rarement rigoureux et seulement pour très peu de Jours. Durant ces hivers il gèle fréquemment la nuit, surtout vers le lever du soleil ; assez rudement même dans certaines contrées, au centre de l'Australie, par exemple, et au sud des Etats-Unis ; mais ces nuits froides sont suivies de journées où le thermo- mètre monte jusqu'à 25 degrés. Rien n’est plus propre à égarer, dans l'étude qui nous occupe, que l'indication des chaleurs moyennes d’un lieu isolées des extrémes. Ce serait, d'autre part, errer grandement que de prendre les données d'extrême froid d’un pays comme indiquant ce que les plantes qui en proviennent pourraient supporter chez nous. Pas une plante vivace d’Austra- lie ne se cultive en plein air au centre de l'Europe. Quelques sites privilégiés des bords de la Méditerranée leur conviennent seuls, quoique des voyageurs aient constaté des froids de —12 à —14 degrés dans les plaines centrales du continent. II gèle tout aussi rudement et plus longtemps au Texas, au Nouveau- Mexique, dans la région des Agaves et des Cactus (fig. 429), et cependant les uns ni les autres ne résistent ici à plus de 5 degrés sous zéro. Les causes de cette apparente anomalie sont bien connues, On peut dire en général qu’aoûtées par des étés d’une chaleur élevée et d’une longue durée, n'ayant à souffrir de froids rigoureux que passagèrement, et ranimées le jour par un chaud soleil, les plantes de ces contrées se trouvent dans des conditions climatériques très différentes des nôtres.
Dans la grande zone qu'enserrent les deux tropiques, les hivers ne sont plus que des atténuations des étés, jusqu'aux approches de l’équateur, où règne non pas un printemps, mais un été perpétuel. Cependant il ne faut pas en conclure que la chaleur va toujours croissant des tropiques vers la ligne équa- _toriale, et que sous cette grande ligne imaginaire règnent con- stamment des chaleurs torrides. En réalité les étés de la zone dite tempérée, entre le 25° et le 35° degré, dépassent souvent
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L0 degrés, et de telles chaleurs sont inconnues à bien des pays situés sous l'équateur. Dans ces derniers, c’est la persistance et l'égalité de la chaleur à toutes les époques de l’année qui est caractéristique ; mais la moyenne n'en dépasse pas 25 à 28 de- grés, et, sauf quelques rares exceptions, les extrêmes sont entre +15 et +36 ou 38 degrés.
Mais entre les régions intertropicales et le reste du globe on remarque une autre et plus importante différence : en Eu- rope et dans la plupart des pays tempérés ou froids, les pluies se répartissent sur presque toute l’année, non pas également. mais au hasard des vents régnants et d’autres causes moins appréciables. Dans les pays chauds, au contraire, ces phéno- mènes deviennent plus ou moins périodiques, et l’année se par- tage en deux saisons : l’une de pluie, l’autre de sécheresse. En quelques lieux il y a deux saisons sèches et deux de pluies qui alternent. Quand ces dernières règnent, il pleut chaque jour et à peu près à heures fixes, avec une abondance dont nous n'avons pas d'exemples ; puis le soleil reparait et vaporise de toute sa puissance l’eau qui couvre et imprègne toute la nature. L'air est saturé de ces vapeurs que le moindre refroidissement condense en brumes épaisses. Les mêmes alternatives se repro- duisent pendant la majeure partie de la saison; puis les pluies s'atténuent, une période de plus en plus mêlée de journées sèches sert de transition, jusqu’au jour où les chutes d’eau s’ar- rêtent tout à fait et où la sécheresse règne à peu près sans partage pendant plusieurs mois.
On se fait aisement une idée de l'énergie d’une végétation que stimulent des chaleurs intenses, des arrosements quotidiens et une atmosphère chargée de vapeurs (fig. 130). Les arbres s’éle- vent à des hauteurs vertigineuses; des Lianes, au tronc gros comme la jambe, escaladent ces colosses et les étouffent dans leurs replis. D'autres arbres, pareils à nos chênes, ne forment que le second étage de ces forêts. A leur pied s’étalent des herbes géantes, aux feuillages pittoresques, souvent d’une ampleur remar- quable, ou de coloris aussi riches que ceux des fleurs. Sur ces
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troncs grands ou petits, depuis les hautes branches qui cherchent
Fig. 130, — Forêt brésilienne,
péniblement l'air et le soleil, jusqu'aux racines qui les arc-
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boutent par la base, vivent des plantes épiphytes de toutes sortes : Cactées, Amaryllidées, Fougères, Broméliacées, Aroï- dées, Orchidées, etc., s’entremélant dans le plus élégant désordre. Tandis que dans nos forêts du Nord un petit nombre d’essences domine, sous l'équateur c’est la variété qui est la loi ; nulle espèce ne forme des forêts à l'exclusion des autres ; tout y est luxe, profusion, confusion si l’on veut, et l’immensité de l’ensemble a pour complément l’inépuisable richesse des détails. La mort même en ces forêts géantes se revêt d’une verdure d'emprunt : l'arbre qui tombe de vétusté, ou qui meurt debout faute d'espace pour tomber, se couvre, lui aussi, de toutes sortes d'Épiphytes. On peut dire que là il n’y a pas de place pour la mort.
Mais peu à peu les pluies cessent, et la chaleur n’est plus tempérée que par les rosées et les brouillards. Une sorte de torpeur succède à la vie exubérante de l’autre saison. Beaucoup d'arbres perdent leurs feuilles, laissant exposées aux rayons brülants du soleil les plantes qui s’abritaient sous leur ombre. Les Épiphytes languissent, se rident, se défeuillent parfois. A leur verdure qui se crispe ou tombe, à leurs tiges ridées, on les croirait perdues ; mais que revienne la pluie, et tout va revivre, reposé, müri, pour fournir une nouvelle carrière et des moissons de fleurs.
Quelle que soit d’ailleurs l’ardeur des journées, les longues nuits au ciel brillant d'étoiles apportent à la nature le soulage- ment de leurs rosées et le rayonnement vers les espaces célestes, qui refroidit l'atmosphère. Le rayonnement, par une de ces nuits radieuses où rien ne lui fait obstacle, peut déterminer des refroidissements considérables aux lieux même où l'été règne en maître absolu. Le voyageur, obligé de coucher à la belle étoile, s'enveloppe d’une couverture de laine et se réveille grelottant. S'il consulte son thermomètre, il le trouvera souvent descendu à+10 ou 12 degrés, et parfois bien plus bas. Ce froid des nuits est un bienfait : il retrempe la fibre humaine et condense sur les plantes altérées des rosées vivifiantes.
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EFFETS DE L'ALTITUDE. ORCHIDÉES ALPINES. — Lorsqu'on étudie la climatologie des régions intertropicales, terres promises des Orchidophiles, on rencontre, au point où nous voilà parvenu, un élément considérable dont nos devanciers ne tenaient pas compte, ce qui les a fait verser dans des erreurs désastreuses. Cet élément, c'est l'altitude des pays de provenance, leur élé- vation au-dessus du niveau des mers ; comme la latitude marque leur distance de l'équateur. Mais, tandis que la décroissance de la chaleur par l'éloignement de l'équateur n’est sensible qu'après des centaines de lieues, 1l suffit de quelques cents mètres d’ascen- sion verticale pour éprouver des effets semblables.
La décroissance progressive de la chaleur atmosphérique à mesure que l’on s'élève est un fait très connu, mais on n’est pas bien d'accord sur le chiffre qui exprime cette relation. Le fait est qu'il n’est pas le même pour tous les lieux et pour toutes les circonstances. Laissant de côté des anomalies plus ou moins bien constatées, nous dirons qu'on estime généralement la décroissance à un degré de chaleur moyenne pour 180 à 200 mètres d'altitude.
Au niveau de la mer ou un peu au-dessus vers l'équateur, la chaleur moyenne est de 28 degrés, et plus souvent au-dessous de ce chiffre qu'au-dessus. À 200 mètres plus haut, elle ne sera plus que de 27 degrés, et à 2000 mètres que de 18 degrés. Que l’on s’élève encore de 2000 mètres, et la température ne devra plus être que de 8 degrés. C’est en effet ce qu'a montré l’obser- vation directe.
Il s’agit jusqu'ici de températures moyennes ; mais entre le jour et la nuit, entre les temps sereins et les bourrasques fré- quentes à ces hauteurs, il y aura de notables écarts de chaleur, Une moyenne de 8 degrés suppose des oscillations entre 4-12 et +15 degrés le jour, et -+-2 ou +3 degrés la nuit. Et si, par exception, le ciel est sans nuages ni brumes, le rayon- nement fera descendre le thermomètre au-dessous de zéro.
Ainsi à l’altitude de 4000 mètres, même sous l'équateur, il gele assez fréquemment, le givre couvre les plantes au lever du jour ;
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il neige parfois. Dans quelques endroits où de hautes mon- tagnes surgissent brusquement non loin des rivages, on peut en un seul jour passer du climat torride de la plaine aux froids arc- tiques des hautes sommités.
Or de même que nous avons trouvé des Orchidées jusqu’à proximité du cercle polaire, de même nous en retrouverons jusqu'aux altitudes extrêmes, non loin des sommets où expirent les derniers vestiges de la végétation. L'Oncidium nubigenum croît au Pérou jusqu'à une hauteur de 4260 metres, et les neiges perpétuelles commencent à 300 ou 400 mètres plus haut.
Le fait est que les quatre cinquièmes au moins des Orchidées redoutent les chaleurs constamment élevées. C’est à partir d’une altitude de 1000 mètres qu'elles commencent à devenir abondantes. Elles le sont de plus en plus à mesure que le niveau s'élève, et l’on estime que c’est entre 2000 et 2800 mètres d’al- titude qu'est la zone favorite de ces belles plantes (fig. 131). La température de cette zone oscille entre les extrêmes de +925 à +30 degrés le jour, et +7 ou +8 degrés et même —+-5 degrés et au-dessous la nuit. Les gelées blanches ne sont pas rares à 2500 mètres. Jusqu'à 3000 mètres, les Orchidées ne manquent point et brillent encore d’un vif éclat, mais elles se raréfient rapidement dans les zones d'extrême froid, et si l’on en découvre encore et de très intéressantes jusqu’à 4000 mètres au moins, ce ne sont plus que de curieuses exceptions.
Les études les plus récentes nous permettent de partager les Orchidées intertropicales en trois catégories, dont chacune se distingue par certaines particularités dérivant du climat où elles naissent, et qui ne peuvent, sans de graves inconvénients, être confondues dans une même culture. Ce sont : 4° celles des terres basses, des vallées profondes, exigeant un minimum de 15 à 18 degrés en hiver (serre indienne, haute serre chaude), et qui sont, en nombres ronds, dans la proportion de 200 sur 1200 espèces cultivées en Europe; 2° celles des régions de moyenne altitude, auxquelles se joignent les plus rapprochées
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des tropiques, se contentant d'une chaleur hivernale de 8 ou 10 degrés au minimum (serre tempérée). Celles-ci sont les plus nombreuses de beaucoup, 700 environ sur le même total; 3° enfin celles qui atteignent et dépassent 2000 mètres d’alti- tude et qui supportent un abaïssement nocturne de +5 ou +6 degrés (serre tempérée-froide) , pourvu qu'elles aient +8 ou +-10 degrés le jour. Elles sont au nombre de 300, y compris les espèces des altitudes extrêmes, lesquelles. ne
Fig. 131. — Odontoglossum Warnerianum.
redoutent pas chez nous des froids de +2 ou +3 degrés, mais que nos chaleurs d’été font beaucoup souffrir (fig. 132). L'élément thermométrique n'est d’ailleurs, on le comprend, qu'une des données nécessaires. L'état atmosphérique de leurs stations favorites doit être scruté avec d'autant plus de soin que, de ce côté, de grossières erreurs sont encore accréditées çà et là. L'alternance régulière des saisons pluvieuse et sèche ne s'étend pas au delà d’une certaine latitude. Plus loin le carac- tère dominant des saisons peut bien être la pluie ou la séche-
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resse, mais ces phénomènes se suivent et s’emmélent sans ordre. De même quand on quitte la bande littorale, celle que les Hispano-Américains appellent la Terre chaude, pour s’éle- ver sur les plateaux de l’intérieur, on n’observe plus cette pério- dicité des pluies, qui déjà à une altitude moyenne, dans la zone
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Fig. 132, — Odontoglossum cirrhosum (1/, gr, nat.),
des Orchidées, deviennent le phénomène dominant. Quand on s'élève davantage, à 2500 ou 3000 mètres par exemple, l’hu- midité du climat devient excessive: des pluies torrentielles se succèdent à de courts intervalles; des brouillards intenses voilent le soleil; des tempêtes bouleversent l'air. Au delà de 3000 mètres, le climat devient très rude, les chaleurs presque
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nulles, et ce n’est que sur de vastes plateaux, abrités par les plus hautes chaînes, que l’homme se fixe encore et a formé quel- ques villes entourées de pauvres cultures.
Cette humidité constante des régions alpines ou subalpines de l'équateur a été ignorée longtemps, non de ceux qui les ont parcourues, mais de certains observateurs de cabinet. Partant de cette idée sans base que plus le climat est froid et moins l'eau est nécessaire aux plantes, on a conseillé de n’arroser les Orchidées alpines, en hiver, que de loin en loin et avec la plus grande réserve. Les résultats n’ont pas manqué de répondre à de telles leçons: les Orchidées desséchées n’ont plus su reprendre vie, et alors on a prétendu qu'on n’en ferait jamais rien. Le vrai c'est qu'elles sont constituées pour vivre dans un milieu toujours humide. Traitées en conséquence, elles fleurissent avec éclat dans nos serres.
Déduisons maintenant les conséquences pratiques de ce qui précède.
Les Orchidées des Terres chaudes, accoutumées à une saison sèche plus ou moins prolongée, se trouveront bien, dans nos serres, d'un repos relatif. Et comme nous subissons de longs hivers, où les jours sont courts et la lumière rare, où la chaleur tout artificielle est difficile à maintenir, nous avons tout intérêt à faire coïncider le ralentissement de la végétation avec la mau- vaise saison. Les plantes y seront parfaitement disposées, et 1l suflira de modérer les arrosements et de diminuer l’humidité de l’air. Nous disons modérer, diminuer, non supprimer. Les Orchidées cultivées ne doivent jamais manquer complètement d’eau.
Les mêmes soins, ou peu s’en faut, conviendront aux Orchi- dées de la région moyenne, qui se cultivent en serre tempérée, avec un minimum de chaleur de 8 ou 10 degrés. C'est la serre des Cattleya (fig. 133), des Dendrobium, des Cypripedium, des Miltonia, des Zygopetalum, et d'une foule d’autres belles plantes. Là encore, il est bon de modérer les arrosements pendant trois mois d'hiver, surtout pour les espèces à feuilles charnues ou à
CLIMATOLOGIE. gt
bulbes volumineux, et pour celles qui perdent leurs feuilles, On pourra aérer davantage.
Quant à la troisième région, froide en tout temps comme notre mois de mars, pluvieuse, tempêtueuse, comme lui, avec son soleil voilé par les brouillards, les belles et curieuses espèces qu'elle nous livre non sans peine ne supportent pas la sécheresse.
Fig. 133. — Cattleya amethystoglossa.
Presque toujours en végétation, fleurissant pour la plupart en février et mars, il va de soi que l’eau, sous toutes les formes, leur est indispensable, même au cœur de l'hiver, même quand on ne leur donne que 5 ou 6 degrés de chaleur la nuit.
Chose étrange au premier abord, les Orchidées qui vivent sous ce ciel brumeux, glacial la nuit, à peine tiède le jour, appartiennent aux mêmes genres que celles de la zone tempérée ou chaude, et, comme celles-ci, elles sont généralement épi- phytes. Nous disons aux mêmes genres ; quant aux espèces,
92 HISTOIRE — BOTANIQUE — CULTURE.
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elles sont différentes. Les Oncidium, les Epidendrum parcourent toute l’échelle des altitudes, depuis les Oncidium Lanceanum et les Epidendrum bicornutum de la Guyane, jusqu'aux Oncidium nubigenum et aux Epidendrum frigidum voisins des glaces de la Cordillère.
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lig. 134. — Odontoglossum Dawsonianum
IT y a cependant des genres qui appartiennent tout spécia- lement aux hautes altitudes, sans y être absolument confinés. Tels sont les Odontoglossum (fig. 134), les Masdevallia, les Pleione, les Pleurothallis, les Restrepia, et d’autres inconnus dans nos cultures.
L'IMITATION DE LA NATURE. — C'est une loi de la nature que tout végétal est organisé pour vivre dans un climat donné, et
CLIMATOLOGIE. 93
que si on le transporte sous un autre notablement différent, il subit dans son développement des modifications sensibles, qui s’accroissent avec l'écart des milieux, jusqu’à lui devenir fatales. Il en résulte que si nous voulons cultiver une plante apparte- nant à un climat autre que le nôtre, nous devons lui assurer, par des moyens bien calculés, l’équivalent ou à peu près de ce qu'elle trouve, sous son ciel natal, d'air, de lumière, de cha- leur, d'humidité et d'aliments assimilables.
Il faut bien le reconnaître. les moyens dont nous disposons pour atteindre ce but, quelque perfectionnés qu'ils aient été depuis trois quarts de siècle, laissent encore, et probablement laisseront toujours à désirer. Nous pouvons créer un sol arti- ficiel et en modifier la composition selon les besoins présumés ; nous pouvons dispenser l’eau en arrosements et la vaporiser pour en imprégner l'atmosphère, du moins dans les espaces clos ; nous produisons la chaleur presque à volonté ; mais l'air, la lumière surtout, sont des éléments dont la disposition nous échappe trop souvent.
L'air n’est pas toujours pur et sain, surtout dans les villes, et une atmosphère viciée est plus nuisible encore aux végétaux qu'à l'homme, aux plantes des montagnes surtout. Mais l'air enfermé dans une serre se vicie de lui-même, il faudrait le renouveler chaque jour, et, pour ainsi dire, tout le jour. Les plantes sont fixées au sol; c'est le vent qui leur imprime le mouvement, favorise leurs sécrétions et fortifie leurs tissus. Comment suppléer à cette gymnastique dans une serre chaude ou tempérée, pendant cinq mois d’un rude hiver ? Sans doute on y parvient, très imparfaitement d'ailleurs, au moyen de chambres chaudes et d’autres dispositions incommodes et coù- teuses; mais ces expédients ne sont que bien rarement appli- cables : on aime mieux s’en passer et attendre à tout risque des temps plus doux.
L'air qui vient du dehors est aussi presque toujours trop sec pour les Orchidées, et lhumidifier à propos, pour empêcher qu'il ne dessèche les plantes, est d’une nécessité impérieuse.
94 HISTOIRE — BOTANIQUE — CULTURE.
Quant à la lumière, nous n’avons rien d’utile pour suppléer à ce que le soleil nous en dispense avec tant de parcimonie pendant au moins trois mois de l'hiver. Il n’est même nullement aisé de tempérer dans une juste mesure ce qu'il nous donne en excès dans les longs jours d'été. Les Orchidées, transportées sous notre ciel inclément, devront s’accommoder, pendant un quart de l’année, d’une lumière insuffisante, d’une ventilation irrégulière et souvent nulle, d’une chaleur artificielle qui n’a pas toutes les: qualités voulues, et d’une atmosphère trop sèche qu’on devra sans cesse humidifier.
Aussi quand on nous dit que, pour bien cultiver, il faut imiter la nature en tout et toujours, sommes-nous obligés de reconnaitre, en même temps que l'excellence du précepte, l'impossibilité de son exacte application. Il faut, bon gré mal gré, que les plantes de nos serres s’arrangent de ce que nous avons à leur donner, et se passent du reste. Hâtons-nous de le dire : il n'y a guère de plantes que l’on ne parvienne à cultiver, et les Orchidées de toutes les zones notamment fleurissent dans nos serres. Cette apparente contradiction s'explique : lhorti- culture, après bien des tàätonnements, a trouvé des équivalents, des moyens termes ; elle a tourné la plus grosse difficulté, et... la nature à fait le surplus.
C'est que la loi rappelée plus haut ne doit pas être entendue dans un sens trop étroit. S'il est vrai que toute espèce végétale a ses localités de prédileicton, il est également vrai que les limites entre lesquelles elle se plait, à l’état de nature, ne sont pas étroitement déterminées, et qu’elle oscille entre les points extrêmes de son aire propre, non sans y souffrir de quelques intempéries.
Un exemple choisi tout près de nous rendra cette vérité plus sensible.
Le bouleau commun est un arbre des pays froids, ou tout au plus tempérés. Il s’avance plus loin qu'aucun autre vers le nord polaire, et en altitude il ne finit, dans les Alpes, que tout pres de la limite des neiges. Mais tandis qu'il est, du 50° au 60° degré
CLIMATOLOGIE. 95
nord, ou à 500 mètres au-dessous de sa limite d'altitude, un arbre de bonne grandeur, ce n’est plus, aux extrémités de ces lignes de latitude ou d'altitude, qu'un petit arbre au tronc noueux et rachitique, puis enfin, un maigre arbrisseau. Ce n’est pas moins le bouleau, et s'il vient le mieux dans les climats modérément froids, 1l est néanmoins capable de sup- porter les plus basses températures du nord de l'Europe.
Si quelques espèces d'Orchidées n'ont été découvertes que dans une seule localité, on n’est pas autorisé à induire de là qu'elles n'existent point ailleurs dans des conditions climaté- riques plus ou moins différentes.
Pour qu’une plante occupe une aire d’une grande étendue et d'altitude inégale, 1l faut qu'elle soit douée d’une certaine force de constitution, ou plutôt d’une certaine élasticité de tempé- rament, que l’on constate en effet chez la plupart, quoique à des degrés très différents. On doit même croire que la nature ne s’est pas bornée à douer chaque espèce végétale de la vitalité strictement nécessaire dans le milieu où elle croit spontanément, ou du moins qu'elle l’a appropriée à toutes les intempéries acci- dentelles de ce milieu. Il n’est même pas douteux que certaines espèces sont, sous ce rapport, bien mieux partagées que d’autres, et qu'on peut les amener à vivre et à se reproduire dans des conditions très différentes, autant du moins que nous le sachions, de celles pour lesquelles elles ont été créées.
C'est cette élasticité du tempérament des plantes qui a rendu possibles certaines cultures, et autorisé en général les procédés, les méthodes sur lesquels est fondée lhorticulture moderne, celle des serres surtout.
C'est aussi l'incertitude qui règne sur les limites de leur habitat, et même sur les extrêmes thermométriques de ces lieux, qui autorise une foule d'expériences très hasardeuses, d’où sortent quelquefois des résultats aussi précieux qu'inat- tendus.
95 HISTOIRE — BOTANIQUE — CULTURE.
CHAPITRE V.
IMPORTATION DES PAYS D'ORIGINE.
ES COLLECTEURS ET LE COMMERCE D'IMPORTA- HA Lorsqu'il s’agit de plantes dicoty- lédones et même d’une nombreuse série de monocotylédones, les méthodes de multipli- _ cation sont là pour suflire aux besoins ; mais \) quand un genre de plantes très demandé se <)ÿ. multiplie lentement et ne laisse à l’art du jar- {VU dinier qu'une très faible latitude, le cas n’est plus 1\ > le même. ee Les Orchidées croissent avec beaucoup de len- J teur; la plupart ne font qu'une pousse par année, rarement deux. À part quelques excep- üons, elles ne se bouturent pas et ne se divisent que dans une limite très restreinte. Le semis est diflicile à tous égards, et n'a servi jusqu'à présent qu'à donner un très pelit nombre de variétés où d'hybrides. Telle espèce très recherchée donne à peine une multiplication en deux ou trois ans, et cette progé- niture, à son tour, ne sera pas de force à fleurir avant deux ou trois autres années. Comment donc suflire aux demandes, plus nombreuses
IMPORTATION DES PAYS D’ORIGINE. 97
d'année en année ? En allant chercher les Orchidées dans leur pays natal.
Fig. 136, — Cordillière de Marcapeta,
f .
Pour quelques-unes, c'est chose facile; elles abondent en certains lieux bien connus, aisément abordables, et supportent sans grand dommage la traversée ; mais celles qui vivent bien
4
93 HISTOIRE — BOTANIQUE — CULTURE.
loin dans l’intérieur des terres, hors de toutes les routes fréquen- tées, ou dans des contrées malsaines, au fond de forêts inextri- cables, de déserts où manquent tous les genres de ressources ; celles surtout qui habitent les hautes zones, où l’on n'arrive qu’à travers mille dangers, sous un ciel dont la rigueur est intolérable, celles-là ne parviennent chez nous qu’avec de grands frais et des difficultés mouïes. La population manque sur ces hauteurs ; les moyens de transport ÿ sont introuvables. Il faut tout amener avec soi, guides, porteurs, mules, vivres, armes, caisses d'emballage. Heureux quand, la récolte faite, le précieux colis ne roule pas avec les porteurs au fond d’un précipice ou dans l’onde furieuse d’un torrent (fig. 136).
Puis, si l’on a achevé avec bonheur ce long et périlleux trajet, et qu'on arrive au port d'embarquement, surviennent des embarras nouveaux. Le climat est trop chaud, la fermenta- tion et la pourriture envahissent les caisses. Si le navire n’est pas prêt à temps, ou si la traversée est trop longue, le fruit de tant de peines est gravement compromis. On a calculé sur un voyage de deux mois, mais à cause du temps perdu, au lieu d'arriver ici en automne, les Orchidées débarquent en hiver. La gelée les menace en route et au port, et en admettant qu'elles y échappent, la longue saison d'hiver qu'elles ont à subir avant d’être enracinées doit être fatale aux plus délicates.
On ne peut donc s'étonner du haut prix que la plupart des Orchidées conservent, sinon toujours, au moins pendant de longues années. Les voyages d'exploration sont très dispendieux, les résultats en sont problématiques, et trop souvent ils coûtent des vies d'hommes. Et ce ne sont pas de vulgaires chercheurs de plantes qui peuvent accomplir de telles.entreprises : il v faut, outre la santé et l’énergie, des connaissances sérieuses et variées. : Bien des hommes d’avenir, bien des savants déjà remarqués y sont morts à la tâche.
Ajoutons que nombre d'espèces très précieuses, très enviées des amateurs, sont rares même dans leur patrie, et qu'il y en à dont on n’a pu découvrir qu'un seul exemplaire. D’autres sup-
IMPORTATION DES PAYS D'ORIGINE. 99
portent très mal le voyage, et importées cent fois, c'est à peine si l'on en possède un exemplaire viable. Enfin viennent les erreurs inévitables : un voyageur n'arrive pas tout juste pour voir la floraison des plantes qu'il recueille ; et pour connaître les plantes défleuries , les caractères sont tellement incertains, les ressemblances de port, de bulbes, de feuillages sont parfois si complètes entre des espèces très différentes, qu'il faut faire une assez large part aux déceptions.
Lorsqu'on se bornait à recueillir les premières Orchidées qui se présentaient aux environs des ports de relâche, de semblables difficultés n’existaient pas, et bien aoûtées par le soleil équa- torial, préparées d’ailleurs par la nature à de longues périodes de sécheresse, elles pouvaient voyager des mois sans grand dommage ; mais ces espèces côtières étaient peu nombreuses et de mérite secondaire ; en outre, elles exigeaient, à raison de leur origine, de hautes températures, et comme longtemps elles ont formé le fond des collections, il en est résulté que l’on a appliqué à toute la famille un système de culture bon tout au plus pour la moindre partie.
De nos jours, où les grandes collections d'amateurs comptent jusqu'à mille espèces qui seront diflicilement surpassées, la recherche des nouveautés devient de plus en plus pénible et coûteuse. On va les pourchasser dans des provinces à peine connues des géographes, sur des plateaux inhabitables, à plu- sieurs centaines de lieues des ports. Aussi, acheter une Orchidée au poids de l'or n’est nullement une hyperbole. Il s’en vend tous les jours, des Wasdevallia (fig. 137 à 139) par exemple. qui ne pèsent presque rien, pas le quart de leur valeur en or.
Il est né de ce haut prix des bonnes Orchidées un genre de spéculation qui se pratique sur une assez large échelle : des botanistes, opérant à leurs propres risques. expédient en Europe de grandes quantités d'Orchidées qui se vendent publiquement a Londres. De certaines espèces il s’importe ainsi des centaines d'exemplaires, non pas de chétives plantes, comme en ren- ferment le plus souvent nos serres, mais des touffes parfois
Fig. 137 et 138. — Masdevallia macrura.
PRE ET
IMPORTATION DES PAYS D'ORIGINE. 101
énormes, avec cinquante, cent. deux cents bulbes, que recher- chent les possesseurs des splendides collections anglaises.
On va croire qu'ainsi introduites à profusion d'une seule
province. ces Orchidées vont encombrer le marché et se débiter
Fig. 139. — Masdevallia macrura.
à vil prix ; nullement. Il est bien vrai qu'à saisir le moment on gagne d'en obtenir quelques-unes à des conditions modérées, mais ces belles plantes sont promptement dispersées, classées dans les collections, et conservent après tout leur valeur vénale.
Des esprits chagrins s'élèvent contre cette dépopulation des forêts vierges au profit de l’horticulture européenne. On aflirme que de très belles espèces sont en train de disparaitre de leur
102 HISTOIRE — BOTANIQUE — CULTURE.
lieu natal, et que si l’on continue, beaucoup d’entre elles deviendront introuvables. On peut ajouter, à l'égard d’un petit nombre, que nos serres n’en seront pas plus riches, attendu qu'elles meurent l’une après l’autre, en voyage ou dans nos collections ; mais pour deux ou trois espèces perdues ou sup- posées telles, combien, introduites en exemplaire unique ou à peu près, se sont multipliées avec le temps et ont leur place chez tous les amateurs !
D'autres se préoccupent de l’avenir réservé aux collection- neurs des générations futures. Ils disent que quand on aura, avec une précipitation fiévreuse, tout fouillé, tout exploité, 1l ne restera plus à découvrir que des bagatelles, et que, faute de nouveautés, l’ardeur s’éteindra.
Nous avouons n'avoir qu'une médiocre tendresse pour ces déserts menacés de perdre quelques joyaux de leur écrin, de même que notre sollicitude s'étend avec peine jusqu'à cet avenir trop tôt prédit. Si l’on veut bien se rappeler que les Orchidées épiphytes habitent une zone de 1500 lieues de large et de 9000 de tour, et que dans cette circonférence sont comprises d'im- menses contrées qui n’ont encore rien donné, on peut se con- vaincre que les recherches de nos successeurs ne demeureront de longtemps stériles, et qu'il leur est réservé tout autant de jouissances qu’à la génération présente.
TRAITEMENT DES ORCHIDÉES IMPORTÉES. CULTURE NORMALE DANS LES SERRES. — Lorsque l’on reçoit des Orchidées venant directe- ment des pays d’origine, il n’est pas sans importance de les déballer hors de la serre, afin de n’y pas introduire sans le vouloir certains insectes ravageurs, des blattes par exemple, qui se glissent ou éclosent dans les emballages, et font la traversée avec les plantes. Nous avons assez d’ennemis de ce genre sans en importer de nouveaux.
Les plantes, déballées avec prudence, sont d’abord débarras- sées de toutes les parties pourries ou desséchées : feuilles, racines, etc. Les rhizomes, tiges ou pseudo-bulbes morts sont
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IMPORTATION DES PAYS D'’ORIGINE. 103
coupés net et jusqu'au vif. On lave ensuite à l’eau claire et tiède tout ce qui vit, feuilles, pseudo-bulbes, en évitant avec grand soin d’offenser les bourgeons reproducteurs ou de casser les racines vivantes. Ce lavage n’a pas seulement la propreté pour but: il doit faciliter la respiration des plantes, dont la poussière obstrue les stomates, et les débarrasser des parasites, kermès, cochenilles, etc., qui les épuisent.
Ceci fait, on les introduit dans une serre modérément chaude, plutôt au-dessous qu’au-dessus du degré nécessaire à leur crois- sance normale, et on les dépose à nu sur une tablette couverte d’un lit très léger de mousse sèche. On les ombrage fortement durant les premiers jours, moins ensuite, de manière à les habi- tuer à la lumière (non au soleil direct) en uve semaine ou deux. Ces premiers temps exigent de la patience ; rien ne sert de les chauffer, de les mouiller ou de les rendre trop tôt à la pleine lumière, avant qu'elles sortent d’elles-mêmes de leur repos forcé en produisant des bourgeons et des racines. Hâter ce moment par des excitants serait tout compromettre. Après quelques jours, plus ou moins, selon que les plantes sont arrivées en bon état ou qu'elles ont souffert, on commence à les seringuer lége- rement avec une pomme très fine, et l’on augmente progressi- vement l'humidité, l'air, la lumière et la chaleur pour celles qui se mettent en végétation. Après une quinzaine, elles sont d'ha- bitude rentrées dans les conditions normales, sinon de plantes établies, au moins de bonnes multiplications : on peut alors les planter à demeure, en pots, en corbeilles ou sur bois, et leur donner les soins ordinaires, sauf les arrosements, qui seront tou- jours modérés (sans sécheresse), jusqu'à ce qu'elles soient suffi- samment pourvues de nouvelles racines.
IL nous semble qu’au point où nous voilà parvenus, la culture normale des Orchidées intertropicales ne doit pas pré- senter d’obscurités. On sait ce qu'elles sont, d’où elles viennent, comment elles croissent, sous quelles conditions de sol, de cha- leur, de lumière et d’air. Il ne reste à voir que les procédés au moyen desquels on leur assure, dans nos pays du Nord, non
D
140. — Serre à Orchidées de 1
Fig.
) [D'après le Gardeners’ Chronicle.]
106 HISTOIRE — BOTANIQUE — CULTURE,
pas tout ce qu’elles trouvent dans leur patrie, mais assez de tout cela ou d’équivalents pour végéter franchement et nous donner des fleurs.
Avant toutes choses, on aura une bonne serre. Ce n’est pas qu'on ne puisse cultiver des Orchidées avec quelque succès dans la plupart des serres ; mais dès que l’on entreprend une culture spéciale, celle-là ou une autre, on doit vouloir que les moyens soient bien appropriés au but, autrement on s'impose des soins surabondants et trop souvent stériles.
Mais qu'est-ce qu’une bonne serre? Celle-là, naturellement, qui satisfait promptement, sûrement et avec le moins de peine aux conditions imposées par la nature des plantes à cultiver. Dans notre cas spécial, les Orchidées ont besoin d'un minimum de chaleur, de beaucoup de lumière, d'un air pur et renouvelé autant que possible, et d'une atmosphère vaporeuse, saturée d’eau presque en tout temps.
Nous ne pouvons rien ajouter d’utile à la somme de lumière que nous dispense le soleil ; notre unique soin doit être de n'en rien perdre. La serre sera donc construite dans un lieu bien ouvert, où ni arbres ni bâtiments ne lui porteront ombre en hiver, et exposée le plus directement qu'il se pourra aux rayons solaires.
On préfère les serres à deux versants, cages de verre où la lumière pénètre par tous les côtés. Cependant on réussit très bien à cultiver les Orchidées dans une serre à un versant, ados- sée aux bâtiments ou aux murs de clôture, la seule qui soit possible dans une foule de cas.
Une bonne pratique et très usitée est de tenir l'aire de la serre en contre-bas du sol. On y descend par deux marches. Cela suflit pour qu'elle soit plus facile à chauffer et à humidifier.
Confluent du Murrey et du Darling (Australie
CHAPITRE VI.
SERRES ET JARDINAGE.
DESCRIPTION DES SERRES. — La forme d'une serre ne peut pas s'écarter beaucoup de certaines conditions élémentaires, et les dimensions de quelques parties sont également soumises à des lois à peu près fixes. Nous entendons ici la serre d’amateur, où les plantes sont tout, et non la serre de fantaisie et de luxe, où elles ne sont qu'un prétexte.
Nous devons cependant une mention à la serre pittoresque, serre nature, avec vallonnement, pièce d’eau, rocher et cascade. C'est le jardin chinois mis sous verre. On peut en tirer de jolis effets; mais nous conseillons, au milieu de toutes ces fantaisies de décoration, de ne pas perdre de vue les lois essentielles aux- quelles la culture des Orchidées est plus que toute autre assujétie.
La serre la plus simple consiste en une toiture rectiligne, fer ou bois, reposant sur deux murs d'inégale hauteur. Bien des
103 HISTOIRE — BOTANIQUE — CULTURE.
amateurs d’Orchidées, et plus encore bien des horticulteurs, s’en contentent et s’en trouvent bien. Avec des murs égaux et une toiture à deux versants, elle est d’un excellent usage, surtout comme serre chaude humide. Il est indispensable que ce genre de serres soit de deux ou trois marches en contre-bas du jardin. Le défaut qui leur est inhérent, et qui les fait rejeter à tort, est de manquer totalement d'élégance.
On remédie à ce défaut et à la difficulté d'obtenir une circula- tion commode sous ce toit trop surbaissé, en élevant moins les murs d'appui, et en les surmontant d’un vitrage vertical; mais on tombe souvent dans l'excès contraire en donnant à ce vitrage une hauteur inutile. Pour les Orchidées, nous recommandons de se borner à 50 à 70 centimètres, et plutôt 50 qu’au delà. Les figures 143 à 146, plans des serres du Fleuriste de la Ville de Paris, donneront des indications utiles sur les grandes con- structions.
La serre à Orchidées doit être peu élevée, afin que les plantes, suffisamment rapprochées partout du vitrage, soient plus directement éclairées. La chaleur y sera plus égale, l’hu- midité mieux répartie, le service des ombrages d'été et des cou- vertures d'hiver plus facile. Trois mètres au faite sont un maximum, et avec cette hauteur on peut donner une pente suflisante à la toiture vitrée d’une serre à un versant, large de 2",50 à 3 mètres. Pour une largeur de 2 mètres à 2",50, la hauteur ne devrait guère dépasser 2,50.
La serre à deux versants n'étant que la réunion dos à dos de deux serres simples, les mêmes proportions s'appliquent aux deux cas.
La partie inférieure du vitrage reposera directement sur les pelits murs d'appui ou sur un vitrage vertical superposé. Le tout réunit ne devra avoir que la hauteur nécessaire, d’abord pour que le sommet des plantes soit à 30 ou 40 centimètres du vitrage, ensuite pour que la toiture soit, au plus bas, à 1",70 ou 4",80 à l'endroit du sentier.
Les serres en bois sont préférables pour la culture des
SERRES ET JARDINAGE. 109
Orchidées de serre chaude ou tempérée. La chaleur y est plus égale et plus durable, et les vapeurs s’y condensant moins, les plantes n'y sont pas autant exposées à recevoir ces douches glaciales qui tachent les feuilles et font pourrir les jeunes pousses.
Les serres en fer à toiture curviligne, très légères, assez élé-
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Fig. 443. — Coupe en trarers,
Fig. 144, — Coupe en large.
A. Plan au-dessus des bâches. — B. Plan au niveau du vaporisateur, — C. Régulateur thermo- électrique. — D. Robinet à gaz communiquant avec le régulateur. — E. Calorifère. F, Petit réservoir d’eau muni d’un flotteur — alimentant le calorifère. — G. Vaporisateur,
H. Conduit d’eau chaude.
gantes de forme, ont au plus haut degré les défauts signalés. Les vitres ne s’y recouvrent que sur une simple ligne ; il faut les mastiquer en dedans. Les couvertures d'hiver s’y appliquent mal, à moins d'appareils spéciaux.
Le verre doit être blanc; tout ce qui dénature la lumière est nuisible. On préférera le verre de double épaisseur.
Restent les aménagements intérieurs ; dans la serre-type, ils sont des plus simples : une {ablette règne sur le devant, ou tout autour si la toiture est à deux versants. Elle est à la même hau-
110
HISTOIRE — BOTANIQUE — CULTURE.
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teur, ou à peu près, que les murs d'appui; plus bas de 20 ou
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30 centimètres, si le toit est rectiligne et repose directement sur le mur. La largeur de cette tablette ne doit pas dépasser
SÉRRES ET JARDINAGE. 111
1 mètre, smon une partie des plantes sont trop loin des yeux et de la main. Dans la serre chaude-humide, le bois pourrit promptement ; il y aura avantage et sécurité à adopter des supports en fer et des tablettes en dalles minces de schiste ardoi- sier ou de quelque matière d’égale durée.
Après les tablettes vient le sentier, qui court parallèlement sur une largeur variant de 65 centimètres à 1 mètre, suivant l’espace dont on dispose et les convenances particulières.
Le reste de l’espace. entre le sentier et le mur de fond, si la serre n'a qu'un versant, est occupé par une table, une bâche, ou préférablement par des tablettes en gradins, qui rapproche- ront les plantes de la lumière. Si la serre est à deux ver- sanis. la bâche remplira le milieu entre les deux sentiers. et le gradin sera à peu près inutile (fig. 140, pages 104 et 105).
Les vitres devront se recouvrir exactement, sinon on interpo- sera du mastic pour intercepter l'air. Portes et châssis fermeront hermétiquement. Ce sont là des conditions indispensables au plus fort de l'hiver. Mais ici se présente une autre question, celle du renouvellement de l'air, quand la saison le permet. Le temps est passé où l’on croyait devoir emprisonner les Orchidées dans une serre toujours close. étouffée, disait-on. On a reconnu que même les indiennes aiment l'air, pourvu qu'il ne soit ni froid ni desséchant, et que les espèces de plateaux élevés ne sauraient en avoir trop, sous les mêmes réserves. De là néces- sité de donner à la serre des ouvertures assez larges et en nombre suffisant pour une ventilation complète.
Les prises d'air seront au ras du sol, près des tuyaux de chauffage, et non point directement devant les tablettes; des châssis placés tout au faite leur correspondront en livrant pas- sage à l'air échauffé. Lorsque l’on ouvrira partout, il en résul- tera un courant d'air plus ou moins vif, précieux dans le petit nombre de jours où l'air du dehors est saturé d'humidité, comme pendant les pluies chaudes d'été, mais qu'il faudra généralement modérer en n'ouvrant que partiellement ; ceci est affaire de pratique, et non plus de construction.
112 HISTOIRE — BOTANIQUE — CULTURE.
Nous conseillons, quoiqu'il nous en coûte, d'éviter les con- structions en rocailles, en bois brut, en écorce de liège, etc., refuges inviolables d’où les limaces, les cloportes, les blattes sortent la nuit pour commettre d’horribles déprédations, et bravent le jour la colère impuissante du jardinier.
CHAUFFAGE DES SERRES. — [1 n'est pas impossible, à la rigueur, de chauffer une serre à Orchidées avec le premier appareil venu : un conduit de fumée, un calorifère à air chaud, voire même un poêle à gaz ou à charbon placé à l'intérieur, pourvu que ni fumée ni gaz d'aucune sorte ne s’en échappent, que la chaleur produite soit égale et modérée, et ne dessèche pas atmosphère. Mais ces conditions indispensables sont tout au moins difliciles à maintenir avec de tels moyens, et c'est pour cela qu'on adopte partout le chauffage à l’eau, le thermosiphon.
Ce mode de chauffage a été l’une des découvertes les plus précieuses dont l’horticulture se soit enrichie. Chaleur meil- leure, plus saine aux plantes, mieux répartie, moins dessé- chante, parce qu'elle agit au moyen de surfaces modérément chaudes, promptitude et facilité d'action, durée plus longue de la chaleur produite, il réunit tous les genres de supériorité et ne consomme pas autant de combustible que les autres systèmes.
Les frais d'établissement sont, à la vérité, assez élevés ; on peut les évaluer au tiers de toute la dépense; mais il n°y a pas à hésiter, et d'autant moins qu'une fois établi, un bon thermo- siphon ne coûte, pendant de longues années, ni réparations ni entretien.
On a inventé une foule de dispositions pour les chaudières ou bouilleurs, afin d'utiliser le plus possible la chaleur produite. Chaque constructeur a son système préféré, et l’on peut dire qu'aucun n'est mauvais. La fabrication de ces appareils est deve- nue une industrie courante, à laquelle il faut avoir recours pour s'éviter des mécomptes.
On emploie presque partout les tuyaux de 10 centimètres de diamètre, plus rarement de 8, en fonte de fer. Les bons fon-
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deurs en produisent aujourd’hui dont l'épaisseur ne dépasse pas » millimètres, et dont les joints, faciles à ajuster, ne donnent lieu à aucune fuite. Le fer étiré commence aussi à être en usage. Dans les petites serres seulement on peut se servir du cuivre, excellent, mais trop cher, et même du zinc de première qualité, n° 46, dont la durée est très satisfaisante !,
Si les Orchidées aiment la lumière, elles craignent l’action directe des rayons solaires dans la saison où ils ont de la force. Les moyens d’ombrer une serre au degré convenable et suivant les saisons doivent être l’objet d’un choix judicieux. Les per- sonnes très sédentaires ou les jardiniers de profession peuvent user de rideaux de canevas ou d’une autre étofle très légère, de claies, etc., qu'elles étendront seulement en cas de besoin ; mais si l’on n’est pas certain d’être toujours là à point nommé, on devra avoir recours aux badigeonnages en blanc d'Espagne fixé par un encollage.
On combine quelquefois les deux moyens: un badigeonnage très clair pour le premier besoin, et un rideau quand le soleil prend trop de force. Quelque moyen que l’on emploie, du reste, il ne faut jamais perdre de vue que les Orchidées tenues trop à l'ombre s’'étiolent et ne fleurissent pas. |
Lors de la construction d’une serre, il est toujours utile de fixer au faite un mécanisme quelconque pour accrocher ou enrouler les rideaux en été et les paillassons en hiver.
Les paillassons ne sont pas indispensables, mais ils sont d’une grande ressource dans les froids subits ou excessifs, lors- que le calorifere ne fonctionne pas assez vite ou est momentané- ment insuflisant. Is sont surtout utiles aux plantes trop rappro- chées des vitres. Il ne faut cependant pas en abuser. Les dérouler trop tôt le soir, les enlever trop tard le matin, c’est ôter de la lumière aux plantes dans une saison où elles n’en ont jamais assez.
1 Les personnes qui désirent approfondi ces questions de construction de serres, de chauffage et de pratique horticole, pourront consulter notre livre : Les Plantes de Serre, traité théorique et pratique, etc.
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114 HISTOIRE — BOTANIQUE — CULTURE.
Nous ne sommes même pas bien certain que l’usage des pail- lassons, des volets et de tous les corps opaques qui servent d'auxiliaires au chauffage, soit à conseiller. La lumière de la lune et des autres astres de la nuit est toujours de la lumière, et il est au moins probable que celle-là aussi a son action sur la végétation. Ajoutons qu'un bon calorifère doit être d’une puis- sance calculée pour sullire à tout et toujours.
JARDINAGE PRATIQUE. PLANTATION DES ORCHIDÉES. — Posses- seur d'une bonne serre et certain de pouvoir la chauffer, l'humidifier, lombrer à sa volonté, l’amateur d’Orchidées n'aura-{-il plus qu'à se remémorer les notions précédemment acquises pour cultiver ces aimables plantes aussi bien que per- ° sonne ? Non pas absolument, car, nous l'avons dit, limitation exacte de la nature ne nous est pas possible. Une serre n’a pas l'air libre des plaines, des plateaux ou des montagnes; la cha- leur d’un thermosiphon n’a pas la qualité des rayons solaires ; uotre hiver nous refuse la lumière indispensable, et en été l’ombre de nos rideaux est loin de valoir celle du feuillage pré- féré ou des brumes lumineuses de l'équateur. Il faut donc, pour devenir un praticien habile, connaître les procédés, les expé- dients, les équivalents au moyen desquels on utilise ce que notre climat et notre ciel mettent à notre portée, ou on supplée à ce qu'ils nous refusent. Get art ne s’est pas fait d’un coup ; il est le fruit de l'expérience éclairée par l'étude ; et tandis qu'à une époque encore bien voisine de nous, ses procédés empi- riques, personnels, mystérieux, étaient trop souvent dénués de sens, l'horticulture moderne opère d’après des principes fixes, universellement répandus, démontrables, basés enfin sur la con- naissance de la nature.
Plus qu'aucune autre, la culture des Orchidées est entrée dans cette voie, et l’on va voir, par le résumé qui suit, combien elle est simple et facile.
Nous avons dit qu’une fois en végétation, les Orchidées importées devront être plantées à demeure. Leur culture se
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confond donc, dès lors, avec celle des plantes établies ou des multiplications que l'on obtient par la division de celles-ci.
La plantation, opération capitale, se fait en pots, en corbeilles ou sur bois (fig. 147).
Ce dernier mode, applicable aux Épiphytes seulement, est sou- vent préféré au début, dans la période où les plantes, mal remises, peu ou point enracinées, craignent surtout l'humidité stagnante. Dans les serres basses et humides, et quand on peut s’astreindre à les mouiller deux ou trois fois par jour, pendant
Fig. 147. — Phalænopsis amabilis (1/; gr. nat.).
tout l'été, les Épiphytes reprennent fort bien sur une büche de bois sec ou sur une écorce de liège brut ; mais cette imitation très hbre de la nature pèche par plus d'un côté. Quelques plantes de petite ou de moyenne taille, se nourrissant de peu, prospèrent dans cette condition; le plus souvent, après une année ou deux d'expérience, on met la plante avec sa büche dans un pot, où elle acquiert plus de vigueur et fleurit plus abondamment.
Dans le principe on n'employait que les bois revêtus de leur écorce, surtout ceux à écorce rugueuse ou spongieuse. Bientôt
l'écorce se détachait ou pourrissait ; la plante ne tenait plus à
rien, ou gagnait la pourriture. Aujourd'hui on emploie le bois
116 HISTOIRE — BOTANIQUE — CULTURE.
écorcé, sur lequel on fixe la plante par un fil de plomb, de’ cuivre ou de zinc. Entre la bûche et'la plante on interpose une mince couche de sphagnum (mousse blanche des marais), pour maintenir l'humidité favorable à l'émission des racines. Celles-ci ne tardent pas à s'attacher au bois, dont il devient impossible de les arracher. Celles qui ne rencontrent pas de support solide, flottent dans l’air (fig. 148).
On entoure de la même mousse le pied des plantes reprises,
Fig. 148. — *** Oncidium janeirense, ** Ponthiera, * Trichopilia.
alin de n'être point obligé de mouiller aussi souvent, et peut-être pour fournir, par décomposition lente, la nourriture nécessaire aux racines.
Cette culture étrange et pittoresque tente presque toujours les débutants, mais elle exige des soins trop assidus, et mieux vaut de beaucoup en limiter l'usage.
Les bois compacts et peu sujets à une décomposition rapide sont les seuls bons. On cite l’acacia, le pommier, le poirier, le cerisier, l'érable, le coudrier — et le liège brut. Ces mêmes bois sont les meilleurs pour confectionner les corbeilles à jour, en rondelles croisées, où l’on cultive les Stanhopea (fig. 149), les Acinela, les Gongora, les Coryanthes et les autres espèces à fleurs infra-verticales ou pendantes. On les emplit de sphagnum mêlé, si l’on veut, de fragments de terre de bruyère.
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Fig, 149. — Stanhopea Martiana (1/, gr, nat.).
118 HISTOIRE — BOTANIQUE — CULTURE.
Ces corbeilles ne doivent être ni larges ni hautes ; elles con- viennent encore pour quelques genres dont les racines pour- rissent trop facilement dans les pots, pour peu que le drainage soit insuffisant et le compost mal fait.
La plantation en pots est, après tout, la plus simple et la meilleure, aussi est-elle universellement adoptée; mais le succès en est subordonné à l'observation de certaines règles que l’expé- rience a dictées.
Les pots généralement employés sont de la forme ordinaire, en terre poreuse, qui ne doit pas être cuite jusqu’à vitrification. Cependant on emploie, pour les très grands exemplaires, des terrines plus larges que hautes, percées de trous assez nombreux pour suppléer à l'insuflisance du drainage. Ces terrines sont beaucoup moins lourdes que les pots, auxquels on peut les substituer dans tous les cas, mais sans avantage marqué.
Le prompt et complet écoulement des eaux surabondantes après l’arrosement est ici de première nécessité. Si, d’une part, les Orchidées, hors la saison de repos que l’on accorde à quelques-unes, ont besoin d’arrosements très fréquents et très copieux, d'autre part l'eau stagnante, dans un vase privé d'air, est fréquemment fatale à leurs racines ainsi qu'aux rhizomes, dont la perte entraîne celle de toute la plante. Là est le point délicat de cette culture, la difficulté devant laquelle on a échoué longtemps. Pareil danger n'existe plus quand les plantes sont dans un compost très léger, perméable à l'air, et qui s’égoutte immé- diatement quand on lui a donné plus d’eau qu'il n’en peut retenir.
On draine avec des fragments de briques ou de coke, et préfé- rablement avec des tessons de pots. On pose les plus larges au fond, la convexité en haut, en laissant beaucoup de vide, puis de plus petits à la surface. Si le vase est grand, on met au fond un petit pot renversé, et l’on emplit le reste du vide avec des tessons, le tout jusqu'à moitié environ de la hauteur du vase pour les Orchidées épiphytes, jusqu’au quart pour les terrestres, beaucoup moins si l’on se sert de terrines largement percées au fond et sur les côtés.
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SERRES ET JARDINAGE. 119
Au-dessus de ce drainage, il est nécessaire de placer une couche de sphagnum de 1 centimètre d'épaisseur, bien tassée, dans le but d'empêcher les matières terreuses de descendre avec l’eau et d'en obstruer à la longue les cavités.
SOLS, COMPOSTS, PLANTATIONS. — Les Orchidées, nous l’avons dit, se prêtent, comme les autres plantes, à bien des accommo- dements, pourvu que ceux-ci ne soient pas en contradiction avec leur nature. La culture en pots des plantes aériennes en est certes un très large. Celui-là admis. les y plantera-t-on dans le sol où se plaisent une jacinthe, un camellia, un palmier ? Elles y périraient dans l’année. Quelles que soient les matières employées, il sera de toute nécessité qu'elles demeurent très perméables à l'air et à l’eau; que les racines y rampent à l'aise sans y être trop emprisonnées ; que le pied de la plante demeure en liberté, sur et non dans le sol, au haut d’une sur- face convexe, jamais dans une cavité.
Ces points admis, et ils le sont partout, la nature et les proportions des éléments qui devront entrer dans le compost où on les plantera ne sont plus que des questions secondaires. Là le désaccord commence entre les amateurs. Les uns plantent leurs épiphytes dans du sphagnum pur, fraichement recueilli, vivant; d’autres y mêlent du sable blanc et du terreau de bruyère ; les plus nombreux préfèrent un compost de sphagnum. de gazons de bruyère en fragments, avec des tessons ou du charbon de bois. Les uns et les autres ont des succès. Nous avons vu réussir, au moins partiellement, quand les pots avaient été emplis de gros fragments de gazon de bruyère, ou bien de morceaux de bois en décomposition, ou encore de racines de bruyères, le tout arrangé de façon à laisser passer l'air et l'eau. Obtient-on des succès égaux sur les mêmes espèces par tous ces moyens? Non, sans doute; mais aucun n'est mauvais en lui- même, et la façon d'en user est pour beaucoup dans les résultats obtenus. F
Il faut bien le dire aussi, il y a dans les succès des uns,
120 HISTOIRE — BOTANIQUE — CULTURE,
dans les mécomptes des autres, bien des causes que l’on ne parvient pas à saisir. Tel cultivateur excellent ne réussit pas à faire fleurir une espèce qui, chez son voisin, dans des circon- stances pareilles ou considérées comme telles, croîtra sans soins et fleurira à profusion. On a vu des collections tenues dans de mauvaises serres, mal exposées, et où prospéraient des espèces qui, transportées ailleurs et cultivées suivant les meilleurs principes, se montraient rétives. Il n’y a rien d'étonnant à cela, puisque l’on sait que les Orchidées ont chacune leur station de prédilection. Donc, point de règle absolue, point de système tout d’une pièce. Celui qui n'a pas d'expérience personnelle, se basera sur celle du plus grand nombre, sauf à réformer, à amender successivement les procédés ou les applications qui ne répondraient pas à son attente. L'essentiel est de respecter toujours les lois de la nature.
La plantation en corbeilles exclut le drainage. Aérées de tous côtés, les racines n’ont pas à craindre l’eau stagnante. On couvre le fond de la corbeille de sphagnum, et l’on pose sur ce lit les racines de la plante. Nous entendons les racines saines, car les mortes doivent être soigneusement supprimées dans toute leur longueur. On introduit délicatement entre les racines de nouveau sphagnum ou un compost mieux approprié, et dans toute cette opération on s'efforce de ne blesser ni briser les jeunes racines, qui sont très fragiles. Il vaut mieux, on le conçoit, opérer dans la saison du repos, où quand de nouvelles racines commencent à se montrer à la base des jeunes pousses.
S'il s’agit d’une plante qui ait peu ou point de racines, on se bornera à la fixer à la surface au moyen de quelques chevilles de bois.
On opère à peu près de même pour la plantation en pots ou en terrines plates, après avoir préalablement bien soigné le drainage ; mais ici le récipient, sera rempli jusqu’au bord, et le sol s'élèvera vers le centre en surface convexe, de telle sorte que la base de la plante soit plus élevée que tes bords du pot.
Nous ne saurions trop insister sur celte règle, que les racines
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seules d'une Orchidée épiphyte peuvent être enterrées (nous ne disons pas qu'elles doivent l'être), et que la base des tiges aériennes ou des rhizomes ne peut que reposer sur le sol.
Il y a, quant aux Orchidées terrestres, des divergences d'opi- nion non moins grandes et qui dérivent également de la nature des choses. Entre le Disa, qui croit au bord des ruisseaux, les racines dans la vase et ombragé par les grandes herbes, et le Catasetum, habitant des plaines arides et nues, il y a autant de distance qu'entre les Pleione rampant entre les mousses et le Cypripedium irapeanum, qui s'enfonce profondément dans l'ar- gile. Soumettre à un traitement uniforme ces plantes de mœurs si dissemblables, c’est courir à des déceptions. Il y a donc des Orchidées terrestres qu'on peut parfaitement planter dans le sphagnum pur, tandis que d’autres n’aimeront qu'un sol plus compact. Le tout est de savoir discerner.
On nous demandera sans doute à quels signes, à quelles particularités de structure se reconnaissent les unes et les autres. Nous regrettons de dire que s’il en existe, comme nous le croyons, ils n'ont pas été suffisamment étudiés, et que l’on n’a pas, à cet égard, d'autre guide que l'expérience ou les rapports des voyageurs.
On ne plante les Orchidées terrestres qu'en pots ou en terrines. Les très grands exemplaires de Sobralia, de Cyrto- podium, etc., seront au mieux dans des caisses de bois. L'usage général est de leur composer un sol où le terreau de feuilles (terre de bruyère), le sphagnum et le gazon des prairies d'allu- vion entrent pour parties égales, avec un peu de sable ou de fin gravier, et, suivant les Anglais, une petite quantité de bouse de vache séchée et pulvérisée. Le gazon de prairie devra être levé et mis en tas longtemps à l'avance. On modifie ce compost en faisant prédominer l’un ou l’autre élément, suivant la nature connue de la plante.
Les pots ne seront pas remplis jusqu'au bord ; on laissera place pour un bon arrosement. L'usage est de couvrir la surface du sol, pour les Épiphytes surtout, d’une couche de sphagnum
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vivant. Si l’on en prend seulement les têtes, à la longueur de 2 à 4 centimètres, et qu'on les dépose en couche de 4 centimètre d'épaisseur sur la terre, en le tenant bien humide, 1l ne tarde pas à s'enraciner et demeure vivant une bonne partie de l’année. Outre l'avantage de conserver l'humidité, de faciliter les arrosements et de donner aux jeunes racines un milieu où elles se plaisent, le sphagnum a encore celui de servir d’indi- cateur. Ayant à peu près les mêmes besoins d’eau. d’ombrage, etc., que les Orchidées, il se plaît dans leur société, et s’il souffre ou périt, on doit se mettre en garde.
LES ENGRAIS ET LES AGENTS CHIMIQUES. — Nous touchons maintenant à une question fort intéressante et à peu près nou- velle, du moins en ce qui concerne les plantes épiphytes. Tout le monde sait qu'une plante épuise plus ou moins le sol où elle vit, c'est-à-dire qu'ayant à extraire de ce sol certains élé- ments qui sont nécessaires pour son développement, elle y raréfie ces éléments. qui finissent par s’épuiser s'ils ne sont pas remplacés. La plante alors ne peut manquer de dépérir et de disparaître tôt ou tard.
Pour qu'il en soit autrement, il faut que la nature ou l’art lui refournissent ces éléments à mesure qu’elle se les approprie. Nous disons «la nature », parce que la décomposition des roches ou celle des matières organiques qui tombent sur le sol, peuvent pendant longtemps et même toujours subvenir aux besoins de la végétation.
Si la plante est dans un sol suffisamment profond et meuble, elle y dispersera ses racines à des distances souvent considé- rables, dans la proportion de sa force et de son pouvoir d'absorption, et ainsi elle végétera très longtemps au même lieu, comme fait le chêne de nos forêts. Mais si le développe- ment des racines est enrayé par quelque cause et que, dans le sol où elles sont confinées, les matières assimilables ne se repro- duisent pas en suflisance, le développement est arrêté, le chêne se couronne, la plante maigrit et ne donne qu'une pauvre floraison, la moisson ne vaut pas les frais de culture.
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Alors l’agriculture. le jardinage appellent à leur aide jes
amendements et les engrais; mais les Orchidées, qui sont censées
ne demander rien ou presque rien au sol, les espèces épiphytes qui vivent la plupart sans toucher la terre, font-elles absolu- ment exception au plan général? Celles qui croissent dans ou sur le sol, sur les rochers, n'ont-elles pas besoin de s’assimiler certaines substances minérales ou organiques? Les épiphytes ne doivent-elles pas trouver dans l'atmosphère qui les environne certains gaz en mélange qui leur sont particulièrement utiles? La décomposition des mousses où rampent leurs racines ne leur fournit-elle pas des aliments? Les eaux du ciel, les poussières, tout ce qui flotte dans l'air, ne leur apportent-ils pas, même dans la station la plus aérienne, une quantité suffisante d'élé- ments plastiques ?
J1 faut bien croire qu'il en est ainsi. car rien ne se fait de rien, et une plante n’est pas un laboratoire de chimie. D'ailleurs plus d’une expérience directe a prouvé que les Orchidées, même épiphytes, ne sortent pas du plan général de la nature, mais se nourrissent à peu près comme les autres plantes. Dès lors, là où les matières assimilables sont en quantité insuffisante, il doit être possible, il doit être essentiel d'y suppléer par des moyens artificiels.
Il y a longtemps que beaucoup de cultivateurs anglais, assi- milant à cet égard les Orchidées terrestres aux autres plantes de pleine terre, mêlent au compost dans lequel il les plantent un peu de bouse de vache séchée et pulvérisée ou, à son défaut, du crottin de cheval. Il faut se garder d’abuser de ce moyen : l'engrais ne peut jamais être un élément constitutif du sol. Il y a plus : nous pensons que, dans le cas donné, l'addition d'un peu d'engrais solide au compost ne peut avoir qu'une utilité minime. On plante les Orchidées, terrestres ou autres, dans un compost de matières diverses très perméables, à travers les- quelles filtre librement l'eau des arrosements qu'on leur prodigue. Il est impossible que le peu de matière azotée introduit avec la bouse de vache ne soit pas en très peu de temps absorbé ou
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entrainé par l’eau, et dès lors son action ne peut avoir qu’une durée très limitée. Il nous semble que si un engrais peut être utile, et nous ne doutons pas qu'il puisse l'être, il faudrait le donner non une fois en une ou deux années, lors d’un dépote- ment, mais de temps en temps, sous forme d’arrosement, ou même chaque fois que lon arrose, mais alors en quantité très minime.
Jusque-là, d’ailleurs, rien de nouveau : des plantes terrestres se trouvent bien d’une terre amendée, fumée à propos. C’est ce qui se passe ailleurs.
Mais les épiphytes ? Suflit-il, pour leur donner toute la vigueur désirable et en obtenir une floraison Juxuriante, de les traiter comme il est d'usage, dans une bonne serre, avec chaleur, eau et le reste, dans des pots remplis à demi de sphagnum et de quelques autres matières? Et celles qu'on cultive sur bois, de quoi se nourrissent-elles? L'atmosphère captive de la serre, saturée d’eau de vaporisation, vaudra-t-elle, pour l’alimenta- tion des épiphytes, l'air libre des forêts vierges, chargé des produits gazeux de leur décomposition?
Il est bien permis d'en douter. Les Orchidées appartiennent la plupart à des régions où la vie est au plus haut degré d’in- tensité, où les végétaux meurent sur place, où la décomposition des matières organiques est incessante et considérable. L'atmo- sphère de ces forêts est nécessairement chargée des gaz qu'en- gendre sans repos cette transformation; et ne sont-ce pas ces gaz combinés avec les pluies qui entretiennent la vie des plantes, de celles surtout. qui n'empruntent rien à la terre? Il n’est pas possible de conserver à cet égard un doute sérieux.
Mais si les mêmes plantes, cultivées dans nos serres, n'ont ni les pluies azotées, ni les gaz, ni les poussières de leur lieu natal, n'est-il pas possible d'y suppléer artificiellement?
A vrai dire, il nous manque certaines données pour résoudre complètement la question. Quelle est exactement la composition chimique des Orchidées? est-elle la même pour toutes les espèces? les mêmes éléments se retrouvent-ils et en quantités
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égales dans toutes leurs parties? les productions florales, par exemple, sont-elles de composition identique à celle des tiges, des pseudo-bulbes et des feuilles? Si non, il faudrait modifier l'engrais, à supposer qu'on puisse en employer un, suivant que la plante développe des tiges ou des hampes florales.
En attendant, et puisqu'on ne peut contester que les Orchidées épiphytes cultivées dans nos serres n’y trouvent pas à point nommé tous les éléments dont elles doivent s’alimenter, par quels moyens peut-on y pourvoir, sinon absolument et toujours, au moins dans une certaine mesure et assez pour faire face aux nécessités urgentes ?
Au congrès de botanique et d’horticulture de Bruxelles en 1876, cette intéressante question a été soulevée par M. de la Devansaye, et le débat a été fort instructif. Cet amateur distingué a cité des faits. Il a cultivé des Broméliacées et des Orchidées en plaçant dans sa serre des tuyaux-gouttières où circulait de l’eau dans laquelle on avait jeté une substance azotée (volatile). Les résultats ont été extraordinaires. Il à ajouté que le savon noir employé dans l’eau avec laquelle il lavait les feuilles de ses palmiers, leur avait également été très favorable.
M. Reichenbach, le savant orchidologue, a rapporté qu'il avait vu dans une serre des Orchidées, surtout des Phalænopsis (fig. 150), d'un développement extraordinaire obtenu par un procédé que l’on tenait secret. Il à cependant pu voir qu'on mettait la nuit un engrais sur les tuyaux. Il a ajouté que les plantes ainsi poussées à l'excès, ont une durée très courte et peu de vitalité réelle. M. le professeur Edouard Morren a avancé à son tour qu'il avait, pour cultiver les épiphytes dans sa petite serre chaude, un secret de culture qu'il divulguait volontiers. Il consiste à déposer dans un coin de la serre un morceau de carbonate d’ammoniaque gros comme une petite noix, qui se volatilise en huit jours, et qui fournit à l'atmosphère de la serre un supplément d'acide carbonique et surtout d’ammoniaque.
Enfin tout récemment un amateur éclairé, M. le comte du
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Buysson, a publié dans la Flore des serres et jardins de l’Europe les résultats d'expériences qu'il a faites dans le but d’administrer aux Orchidées épiphytes des engrais mêlés à l’eau des serin- guages. Celui auquel il donne la préférence est un guano de bonne qualité dont il emploie un gramme par litre d’eau. Le mélange est préparé la veille, bien agité, puis reposé. IL s’en sert pour seringuer ses Orchidées sur toutes leurs parties, et une fois par semaine pendant toute la période de croissance. Il con- seille fortement de ne point dépasser la proportion indiquée. Les feuilles n'en sont nullement souillées. Sous cette excitation, dit-il, ses plantes sont devenues méconnaissables, et de jeunes sujets auraient fleuri qui, sans cela, eussent exigé des années de croissance. Deux gouttes d’'ammoniaque dans un litre d’eau de pluie auraient aussi produit d'excellents effets.
Il est impossible de ne pas attacher un grand intérêt à ces expériences faites par des amateurs consciencieux; et tout en faisant une part à l’exagération dont les expérimentateurs ne savent pas toujours se défendre, tout en exprimant certaines réserves que suggère l'observation de M. Reichenbach, on ne pourra méconmitre que l'expansion dans la serre de gaz ammo- niacaux par voie de volatilisation, ou l'emploi de sels ammo- niacaux en dissolution dans l’eau des seringuages ou des arrosements, ne soient des moyens d'activer et de fortifier la végétation des épiphytes. Il sera bon d’en user et sage de n’en point abuser,
CULTURE EN SERRES. — Îans toute serre, quelle qu'elle soit, il y a des parties mieux éclairées plus chaudes, plus humides, mieux aérées les unes que les autres. Il ne peut pas être indif- férent d'installer des plantes dans la serre sans tenir compte de ces détails. Un simple déplacement détermine parfois la floraison d'une espèce rebelle et peut faire souffrir un exemplaire en bonne végétation.
Supposons-nous maintenant à la fin de l'été. Les chaleurs sont finies, les nuits deviennent fraiches, sinon froides ; le soleil
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baisse, les jours sont déjà courts. C’est le moment où l’on doit savoir user à propos et successivement de toutes les ressources que l’art horticole met à notre disposition.
Dès la fin de septembre il arrive assez souvent que l’on doive chauffer les Orchidées indiennes. C'est, au contraire, le moment où les espèces alpines se refont en aspirant la fraicheur et les brouillards d'automne. Vouloir concilier ces extrèmes, chercher des moyens termes pour faire vivre sous le même toit des natures aussi opposées, c’est sacrifier les unes et les autres. On peut adopter une spécialité, choisir les Orchidées de serre chaude, ou froide, ou tempérée ; mais si on les veut toutes, la nécessité de trois serres, ou plutôt d’une serre longue divisée en trois compartiments, s'impose absolument.
Nous devons encore supposer que l’on s'arrêtera à ce dernier parti. Pour embrasser la famille dans tout ce qu’elle a d’inté- ressant et de beau, ce ne sera pas trop d’une longueur de serre de 30 mètres sur 5 ou 6 de large, dont 8 mètres environ seront accordés à la serre indienne, autant à la serre froide tempérée, le reste à la serre tempérée ou tempérée-chaude.
Pour une culture plus modeste, mais encore très distinguée, il suffira d’une moitié de cette longueur avec des divisions pro- portionnelles.
Un seul thermosiphon sufhira parfaitement pour chauffer les trois compartiments, ensemble ou séparément, et chacun au degré le plus convenable.
Dans le premier compartiment, le plus rapproché du foyer, seront les Orchidées de l'Inde, de l'Afrique équatoriale, et toutes celles qui demandent une haute chaleur. Cette chaleur sera maintenue au minimum de 45 degrés centigrades, de 18 degrés même ordinairement la nuit, et de à à 5 degrés en plus le jour. En été elle sera ce que donnera le soleil, mais on profitera de toutes les hautes températures pour donner de l'air. La serre indienue, haute serre chaude, est nécessaire aux Aerides, aux
Vanda (Gg. 151 à 153), aux Phalænopsis, aux Saccolabium, aux Angræcuin, aux Anœæctochilus, aux Renanthera, aux Va-
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Fig. 151 à 153.
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150 HISTOIRE — BOTANIQUE — CULTURE.
nilla, et à quelques genres de moindre importance. Il y a dans ces beaux genres quelques exceptions peu nombreuses. On pourra cultiver simultanément des Cattleya, des Miltonia, des Epidendrum, des Oncidium, ete., quisupportent, sans les exiger, ces hautes températures.
La seconde division sera non pas la serre chaude ordinaire, mais plutôt la serre tempérée ou tempérée-chaude. IT n’y aura pas d'inconvénient à laisser les températures d'hiver et de nuit
Fig. 154. — Cypripedium concolor (1/3 gr. nat.).
y descendre jusqu'à 10 degrés et même très passagèrement à 8 degrés. Comme dans la précédente, 3 degrés en plus seront nécessaires durant le jour. En été on l’ouvrira plus souvent et l’on évitera, s'il est possible, que la chaleur s’y élève à plus de 25 degrés le jour.
Ce sera, à quelques exceptions près, le lieu de prédilection des Cattleya, des Dendrobium, des Cypripedium (fig. 154), des Miltonia, des Cœlogyne, des Trichopilia, des Zygopetalum et de leurs alliés les Æuntleya, Warrea, Warscewiczella, des Anguloa, des Calanthe, des Brassia, des Gongora, des Cymbidium, de beaucoup d’Epidendrum, d'Oncidium et de Lælia, des Phajus, des Stanhopea, ete., etc.
SERRES ET JARDINAGE. 151
En outre, bien des espèces subalpines y croitront et fleuriront bien, tandis qu’elle pourra prélever sur la serre indienne un certain nombre de beaux Vanda, d'Aerides, d’Angræcum, de Renanthera, etc.
Enfin la troisième division, tempérée-froide, au minimum de 6 à 7 degrés, de 8 à 10 degrés dans le jour, ne sera pas com- promise si, par une nuit d'hiver, le thermomètre y descend pour une heure de 1 ou 2 degrés plus bas; la floraison seule en pourrait souffrir. L'été sera, pour les plantes alpines, la saison critique, les températures de plus de 25 degrés leur étant essen- tiellement nuisibles.
On abritera, dans cette dernière serre, tout le magnifique genre Odontoglossum (fig. 155), les Masdevallia, les Lycaste, les Mazxillaria, les Pleione, les Sophronitis, les Disa, les Sobralia, les gentils Aestrepia, une foule d'Oncidium et des plus beaux, nombre de Lelia et d'Epidendrum, des Barkeria, des Arpo- phyllum, pas mal de petits genres très intéressants : Ada, Na- soma, Trichoceros, Mesospinidium, Polycycnis, Nanodes, Kefer- steinia, Helcia, etc. ; un Cattleya (citrina), un Cœlogyne (cristata), un Aerides (japonicum), plusieurs beaux Dendrobium, peut-être le Vanda cœrulea,-sans parler de pas mal d'espèces encore dou- teuses.
Ce que nous venons d'exposer n'est pas toujours bien net, bien rigoureux, surtout quant à la répartition des Orchidées entre les trois serres jugées utiles, sinon indispensables. Les com- mençants voudraient être renseignés complètement, et les amateurs les plus éclairés ne sont pas sans garder bien des doutes,
En premier lieu ces trois serres de températures différentes n'existent que chez les amateurs les mieux outillés; ailleurs on se contente de deux, sans pour cela renoncer à avoir un peu de tout. Dans ce cas ce sont les Orchidées de serre tempérée qui vont se fondre, la plupart, avec celles de serre chaude, et l’on n’a plus que les degrés extrêmes : serre indienhe, sérre péru- vienne, ou, pour préciser : haute serre chaude et serre tempérée- froide.
132 HISTOIRE — BOTANIQUE — CULTURE.
Même dans ce cas on ne sait pas toujours où caser telle espèce inconnue ou mal observée, et s'il s’agit non plus de deux, mais de trois serres, la distribution rigoureuse des Orchidées entre elles est toujours sujette à bien des incertitudes.
ILest vrai que les catalogues de la plupart des grandes mai- sons de commerce donnent des indications précises sur ce clas-
Fig. 155. — Odontoglossum Schlieperianum.
sement, et à première vue 1l semble que tout soit dit; mais si l'on y regarde de plus près. on remarque qu'il règne entre les indications de ces catalogues une grande divergence : telle espèce, tel genre tout entier, que l’on range 1c1 parmi les plantes de serre chaude, n’est que de serre tempérée ailleurs, parfois même de serre froide. Cette divergence ne tient pas seulement à l'incertitude des notions et à l'insuffisance des expériences, elle a pour première cause le désaccord qui ne cesse de régner, et que nous avons vainement signalé à plusieurs reprises, sur le
SERRES ET JARDINAGE. 133
sens exact des expressions dont on se sert dans le jardinage pratique.
Quand il s’agit de la serre à Orchidées indiennes (serre indienne des Anglais, haute serre chaude, fig. 157, voir pages 136 et 137), on s'entend assez bien sur ce que cela veut dire; cependant, tandis que les uns pensent que 15 degrés centigrades sont pour cette serre un minimum suflisant, d’autres, non moins bien expérimentés, le portent à 18 et même à 20 degrés. Ce désac- cord n’est peut-être qu'apparent, c’est-à-dire que celui à qui 20 degrés paraissent nécessaires , fermera les yeux quand par négligence ou autrement il en trouvera le matin 5 de moins.
Lorsqu'on passe aux Orchidées de la seconde catégorie, origi- naires de régions plus tempérées, aux Cattleya, aux Dendro- bium, etc., on commence à n'être plus d'accord. Pour les uns, ce sont des plantes de serre chaude (15 degrés environ au plus bas), pour les autres la serre tempérée leur suffit, sans distinc- tion, tandis qu'ailleurs on partage le genre, suivant les pro- venances connues ou présumées, entre les trois sections. Pour ceux qui assignent la culture tempérée à ces genres pris tn globo, il s’agit d’une serre où la chaleur ne descend pas au-dessous de 12 degrés. C'est ce que nous appelons, dans un langage plus précis, la serre tempérée-chaude. Les Orchidées de cette catégorie sont généralement de consüitution vigoureuse, et s’arrangent longtemps, sinon toujours, de deux ou trois degrés de plus ou de moins. Nous voyons bien souvent les Cattleya, les Dendro- bium, les Cypripedium, les Pescatorea, cultivés avec les Aerides et les Vanda et y fleurir bien, tandis qu'ailleurs on les relègue dans des serres à peine tempérées. Nous en avons vu, en plus d’un endroit, qui subissaient de temps en temps des froids de +3 degrés et ne s’en portaient pas plus mal. Certes ce n’est pas ce qu'il faut imiter; mais l’autre excès, dont la conséquence est l’étiolement, ne vaut guère mieux.
C’est quand on va plus loin, jusqu'aux espèces alpines ou subalpines, aux Odontoglossum, aux Masdevallia et à tant d’au- tres espèces des moins frileuses. que l’on tombe dans une con-
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SERRES ET JARDINAGE. | 125
fusion babélienne. Rien de plus facile à concevoir. Pour les uns la serre à Orchidées froides ne sera destinée à ‘abriter que les Orchidées alpines où quasi-alpines, et alors ce ne sera qu’une serre froide humide, chauffée en hiver comme la serre à Camel- lias, ou même celle destinée aux plantes australiennes (--3 à +5 degrés). Mais la plupart veulent étendre leur collection au delà de ces étroites limites, prendre tous les genres, toutes les espèces qui vivent en commun avec les Odontoglossum (fig. 156), et alors leur serre doit être la vraie serre tempérée-froide (--6 à 7 degrés au plus bas dans les nuits d'hiver et 8 à 10 degrés le jour). Mais il est malaisé de savoir s'arrêter. En accordant 1 ou 2 degrés de plus, 7 ou 8 degrés au minimum pendant quatre ou cinq mois d'hiver et en laissant le soleil faire le reste, on peut s'étendre plus loin, sans pour cela nuire sensiblement aux espèces des très hautes altitudes, lesquelles d’ailleurs sont peu nombreuses et médiocrement estimées pour la plupart.
Les Anglais, nos maîtres en ce genre, paraissent surtout tenir à ce dernier chiffre de 7 à 8 degrés au plus bas, qui leur permet de comprendre dans les Cool house Orchids un nombre considé- rable d'espèces et des plus recommandables. Nous disons paraissent ; en effet, M. B. S. Williams, dans son Manuel où il traite avec autorité des Orchidées de toutes les catégories, M. Burbidge, dans son excellent Guide du cultivateur d'Or- chidées froides, se gardent bien de déterminer un minimum absolu de chaleur. Pour certaines Orchidées ils conseillent la place la plus chaude de la serre ; pour d’autres ils indiquent net- tement que +-10 degrés centigrades est le point extrême du froid. Mais à +10 degrés tout l'hiver, les espèces alpines ou sub- alpines vont pousser à contre-temps, s'étioler. En effet, ce n’est plus la culture froide. Dans cet ordre d'idées, M. Burbidge arrive à compter parmi les Cool Orchids un peu de tout: trois espèces d’Aerides et des variétés, un Calanthe, huit Cattleya et leurs variétés, trois Cymbidium , huit Cypripedium avec plusieurs variétés (sans compter les vieux 2nsigne et venustum), sept Dendrobium, les Miltonia en entier, deux Phajus et deux
Serre chaude à Orchidées de
157:
Fie.
ment d'Horticulture à Londres (voir pag. 133).
138 HISTOIRE — BOTANIQUE — CULTURE.
Thunia, deux Trichocentrum, quatre Trichopiha, deux Vanda et tous les Zygopetalum.
© Maintenant voici un système plus complet. La maison Rolli- son, de Tooting (Londres), en tête du savant catalogue qu'elle publie, donne des mdications précises sur le traitement à appli- quer aux Orchidées, qu’elle répartit entre trois serres de tempé- ratures graduées.
La première, serre intermédiaire (serre tempérée) , demande une chaleur de jour de 65 à 75 degrés Fahrenheit (18°,33 à 23°,89), qui descendra la nuit de 55 à 65 degrés (12°,78 à 18°,33) à l’époque de la croissance. Pendant celle du repos, la température du jour ne devra pas dépasser 45 à 50 degrés (7°,22 à 10 degrés) et celle de nuit 40 à 45 degrés (4°,4h4 à 10 degrés), suivant les circonstances.
La seconde serre ne sera pas tenue plus chaude que la serre froide ordinaire (Greenhouse), avec une température diurne de 59 à 65 degrés (12°,78 à 18°,33), qui pourra descendre la nuit entre 45 et 55 degrés (7°,22 à 12°,78) pendant la croissance, et durant le temps de repos jusqu'à 35 à 45 degrés (1°.67 à 7°,22), si les circonstances l’exigent.
Tout le reste des Orchidées s’abritera dans la serre chaude, qui pendant la végétation sera chauffée entre 80 et 90 degrés (26°,67 à 329,22) durant le jour ou davantage, suivant les cir- constances, et entre 70 et 80 degrés (21°,11 à 26°,67) la nuit. Au temps du repos, on réduira les températures de jour à 55 à 65 degrés (12°,78 à 18°,33) et celles de nuit jusqu'à 50 à 60 degrés (10° à 15°,56).
S'il n'y a pas, au fond, grande discordance entre les degrés indiqués par M. Rollison pour les serres chaude et tempérée et ceux recommandés plus haut, en revanche on pourra s'étonner quelque peu de le voir considérer les plus basses températures de la serre à Bruyères (moins de 2 degrés) comme tolérables pour les Orchidées froides. Il ne faut pas perdre de vue que ce sera pendant le repos seulement, c'est-à-dire quand on les privera à peu près d’arrosements. Il n'est pas moins curieux,
SERRES ET JARDINAGE. 139
même avec cette réserve, de voir le chemin parcouru depuis le temps où toutes les Orchidées étaient confusément reléguées dans la serre chaude humide, et de compter, parmi celles aux- quelles on assigne aujourd'hui la serre froide, des Anguloa, des Barkeria, des Bletia, des Cypripedium, des Dendrobium , des Epidendrum, des Houlletia, plusieurs Lælia, tous les Hasdevalha, des Mormodes, les trois quarts des Odontoglossum, pas mal d'Oncidium, la grande majorité des Trichopilia, enfin des Warrea et des Warscewiczella.
Une conséquence de la méthode de M. Rollison, c'est qu'il faut avoir grande attention à déplacer les Orchidées suivant leur état de végétation; porter dans une serre plus chaude celles qui se mettent en végétation et faire l'inverse pour celles qui ont terminé leur pousse.
De tout cela il est diflicile de déduire des enseignements précis et pratiques, tels que les désirent, non sans raison , les amateurs qui commencent où ceux qui n'ont pas le loisir d’étu- der. Le plus sage est, sans doute, de prendre l’un ou l’autre guide et de suivre à la lettre ses recommandations. Celui qui préférera faire de l'éclectisme en fera à ses dépens, jusqu’à ce que l'expérience lui soit venue.
Nous avons fait ainsi notre école et nous sommes arrivé à n'être pleinement d'accord avec personne. C’est probablement que la serre où nous opérons et nos procédés de culture, dans leur ensemble, ne sont absolument semblables à ceux de per- sonne. Ceci entendu, nous donnons ci-dessous deux listes d'Or- chidées, dont l’une comprend une série d’espèces sur la rusticité desquelles on est d'accord et que nous cultivons ou voyons cul- uüver à froid (+5 à 7 degrés centigrades la nuit en hiver, +8 à 12 degrés le jour).
Orchidées de Serre tempérée-froide.
Ada aurantiaca. Barkeria (le genre). Arpophyllum cardinale. Bletia hyacinthina. giganteum, Cattleya citrina.
= spicatum. Cælogyne cristata.
110 HISTOIRE — BOTANIQUE — CULTURE.
Cœlogyne Corymbosa. Mesospinidium sanguineum. Cymbidium aloifolium. — vulcanicum.
— sinense. Miltonia Clowesiana et variétés. Cypripedium insigne et variétés. Odontoglossum (le genre, sauf
— Schlimi. exception ci-contre).
— Sedeni. Oncidium æmulum.
— _villosum. — andigenum.
— venustum. — Barkeri (tigrinum) Dendrobium Falconeri. — cucullatum et variétés. — Cambridgeanum. — crispum et variétés.
— japonicum. — Hartwegii. — nobile et variétés. — incurvum.
— speciosum. — leucochilum. _ — Hill, etc. — macranthum. Disa (le genre). — pacificum. Epidendrum Frederici-Guillelmi. — serratum. — myrianthum. — zebrinum. — paniculatum, — divaricatum. — prisimatocarpum. — _ flexuosum. — vitellinum et variétés, etc. — falcipetalum. Evelyna kermesina. — obryzatumn. Goodyera velutina. — _ panchrysum. — pubescens, — pulvinatum. — macrantha. — stelligerum. Helcia sanguinolenta. — superbiens.
Lælia albida. Pleione (le genre).
— autumnalis. Polystachya pubescens.
— cinnabarina. Restrepia (le genre).
— furfuracea, Sobralia macrantha et variétés. — maialis. — dichotoma.
— Perrin. — Ruckeri.
— purpurafa. Sophronitis (le genre).
Stanhopea oculata.
Lycaste (le genre).
Masdevallia (le genre).
Maxillaria grandiflora. -- venusta.
— tigrina. Thunia (le genre). Trichopilia coccinea.
— Ciorthilis,
— nigrescens. Uropedium Lindeni,
A cette liste déjà longue, quoique fort incomplète, et dans laquelle on peut puiser les éléments d’une collection riche et variée, il faut évidemment joindre beaucoup d'espèces emprun- tées à la liste ci-dessous, qui sont généralement considérées comme de serre tempérée, mais sur lesquelles il y a divergence d'opinion.
SERRES
ET JARDINAGE. 1H1
Acineta (le genre). Anguloa (le genre). Cattleya mossiæ.
— Trianæ.
—— Skinneri.
—- Warscewiczii. Cœlogyne speciosa. Colax jugosus. Cymbidium Hookerianum.
Cypripedium barbatum et var.
— caudatum.
— Fairieanum.
= hirsutissimum.
— Lowi.
— purpuratum. Dendrobium amænum.
— bigibbum.
— Brisbaneanum.
—— Devonianum.
— chrysanthum.
— heterocarpum.
-- Joannis.
— Kingianum.
— Tattonianum.
— tetragonum.
— transparens. Epidendrum Catillus.
— leucochilum.
— macrochilum,
— nemorale.
— pentotes.
—— pseudo-Epidendrum.
— purum.
— sceptrum.
— Sophronitis. Eriopsis (le genre). Goodyera discolor. Hartwegia purpurea. Houlletia (le genre). Kefersteinia (le genre). Lælia anceps.
— — Barkeriana.
— acuminata,
— crispa.
— crispilabia.
Lælia elegans.
— _flava.
— Jongheana.
— Lindleyana.
— Pinellii, etc.
— pumila,
— superbiens.
— xanthina. Maxillaria (le genre). Miltonia (le genre). Mormodes (le genre). Nanodes Medusæ. Nasonia punctata. Odontoglossum phalænopsis.
— Rœzli.
-— vexillarium. Oncidium aurosum,
— barbatum.
— bicallosum.
— bifolium.
— concolor.
— ornithorynchum.
— _ phalænopsis.
— sarcodes.
— Weltoni (Miltonia), etc. Palumbina candida. Pescatorea cerina. Phajus grandifolius.
— Wallichii. Pilumna fragrans.
-- — nobilis.
— Ortgiesiana. Polycyenis (le genre). Stanhopea (le genre). Stenorynchusspeciosus(Neottia). Trichocentrum (le genre). Trichoceros muralis.
— _ platyceros. Trichopilia (le genre). Vanda cærulea.
Warrea cyanea, etc.
-- Lindeniana. Warscewiczella discolor.
— Velata. Zygopetalum (le genre ancien).
142 HISTOIRE — BOTANIQUE — CULTURE.
LES ARROSEMENTS, L'HUMIDITÉ ATMOSPHÉRIQUE (SUITE). — L'eau, essentielle à toutes les plantes, l’est surtout aux Orchidées. Ce n’est pas assez de la répandre à leur pied sous forme d’ar- rosements ; il est indispensable que l’atmosphère où elles vivent en soit imprégnée, saturée presque en tout temps.
Pour arroser, on se sert d’eau de pluie ou d’eau courante qui ait séjourné dans la serre pour en prendre la température. On ne doit passer aucun jour sans vérifier l'état de ses plantes, dont aucune ne peut être absolument sèche, quelle que soit la saison. Pour le reste, 1l faut distinguer. Dans nos hivers sombres et froids, où rien ne stimule la végétation, il y aura toujours, au moins dans les serres chaudes et tempérées, des plantes qui auront fini de développer leurs pseudo-bulbes, et que l’abaissement de la température, joint à l’insuflisance de Ja lumière, empêcheront pour un temps d'en produire d’autres. Celles-là, on les arrosera peu, seulement assez pour empêcher feuilles et tiges de se rider, et ces ménagements dureront jusqu’à ce que la plante se remette d'elle-même en végétation.
Les Orchidées des régions alpines ou subalpines, celles qu'on tient en serre tempérée-froide, n'ont généralement pas de ces époques de repos périodique. Il se fait bien un court arrêt entre la pousse qui s'achève, qui s’aoûte, et le développement de ses yeux nouveaux. Îl n’est pas sans importance d’en tenir compte, lorsqu'on est sûr que les pseudo-bulbes ont atteint toute leur grosseur. En tout cas il ne s'agira jamais que d’une diminution des arrosements. Les Orchidées de cette catégorie veulent être toujours dans un-milieu plus ou moins humide, qui ne saura guère l'être trop pendant les longs jours et les chaleurs de l'été.
Les Orchidées qui végètent, quelle que soit leur origine, ont besoin, en été, d’arrosements à peu près quotidiens, On conseille même de plonger les pots tout entiers jusqu’à la base de la plante dans un grand baquet d’eau, et de les y tenir quelques secondes. C'est plus qu'un arrosement, c’est un lavage du sol et du drai- nage dont les effets sont excellents,
Les mêmes regles s'appliquent aux Orchidées terrestres.
SERRES ET JARDINAGE. 115
—:
L'humidité atmosphérique se règle suivant les mêmes prin- cipes. En été, sous l’action du soleil et de la température exté- rieure, on en donnera par tous les moyens et dans la plus large mesure. En hiver, quand le soleil demeurera absent et que les plantes s’engourdiront, on en aura facilement assez, quelquefois trop.
La manière la plus simple et la plus eflicace d'humidifier l'air de la serre, c’est de répandre abondamment l’eau sur le sol, sur les tablettes, et partout où on le peut. En hiver on obtient un effet immédiat, mais de peu de durée et d'utilité, en arrosant les tuyaux du thermosiphon.
Mais nous venons de dire qu'il y aura, dans une collection, des plantes au repos à qui l'humidité trop grande de l’air sera peut- être nuisible. Comment les ÿ soustraire? Rien de plus simple : l'air sera toujours plus chaud et plus sec dans le haut que dans le bas de la serre, et une différence de niveau de 1 à 2 mètres suffira pour déterminer l'inégalité de saturation désirée. Ayons donc vers le haut de la serre quelque tablette, et mettons-y les plantes qui reposent.
En été, quand la chaleur est bien établie et qu'on peut tenir la serre ‘froide ou lempérée) ouverte au moins partiellement, il n'y a nul danger à seringuer les Orchidées légèrement, et avec une pomme à très petits trous, au moins une fois par jour. C'est même une pratique presque indispensable durant les grandes chaleurs ; mais à la condition que la chaleur et le cou- rant d'air puissent les ressuyer en peu d'heures, sinon l’eau qui séjournerait entre les feuilles tendres des jeunes bourgeons les pourrirait,
Après l'eau, l'air. Tout aussi nécéssaire à la vie végétale, l'air n’est pas, malheureusement, autant en notre puissance. Enfermé dans une serre, il se corrompt et se dénature. Privé de mouvement, 1l n'arrive ni complètement ni à temps à toutes les parties des plantes. Les espèces alpines, surtout, souffrent promptement de cette réclusion. On ouvrira donc la serre autant et aussi souvent que les circonstances le permettront. Les
141 HISTOIRE — BOTANIQUE — CULTURE.
Orchidées de haute-serre chaude pourront bien rarement profiter de ce bienfait, dont elles ont, par bonheur, un moins grand besoin que les autres. Dans la serre froide-tempérée, on ne craindra pas d'établir un léger courant d'air, pourvu qu'il ne soit pas sensiblement desséchant, et chaque fois qu’il fera dehors un temps chaud et humide, surtout pendant les pluies d’été, on s'empressera d'en profiter pour ventiler abondamment.
Quand Ja saison est tout à fait défavorable, les jours sans soleil, le froid extérieur assez marqué pour qu’on ne puisse ouvrir la serre, il est bon de faire de temps en temps un peu de feu. Le feu assainit l’air enfermé, le met en mouvement, et permet souvent de lui donner une issue par où il se renouvelle lentement.
Il nous reste à parler des ombrages et des couvertures d'hiver. Ce sont là des questions secondaires qui deviennent très graves si l’on considère le mal qu'il est possible de faire en étiolant les Orchidées par excès de prudence.
Les Orchidées n’ont jamais trop de lumière ; c’est l’action directe des rayons solaires, peu ou point atténués, qui peut et doit être funeste à presque toutes, mais non pas en hiver, où pendant environ cinq mois, de la mi-octobre à la mi-mars, ces rayons seront assez obliques et voilés par les brumes pour n'avoir qu'une action bienfaisante. Passé ce temps, ils prendront de l’ardeur et, pour un temps, coloreront les Orchidées de teintes chaudes, indices de santé. Cette période sera courte, surtout si les journées sont bien claires: les plantes sècheront trop rapidement, et les feuilles jauniront ; si cet état se pro- longe, des brülures s’y manifesteront, et l'aspect de la collection en sera gâté pendant toute l’année.
Donc il faut ombrer à temps; mais comment et à quel degré ?
Les ombrages seront fixes où amovibles. Fixes, ils enlèveront de la lumière aux jours et aux heures où le soleil ne dardera pas. Amovibles, ils rendront nécessaire la présence presque con- tinuelle du jardinier. On choisira l’un ou l’autre moyen, suivant
r |! SERRES ET JARDINAGE. 145
ses loisirs et ses convenances. Dans le premier cas on mate les vitres, au dehors ou au dedans, avec du blanc d'Espagne délayé avec un léger encollage. Le lait remplit bien cet office. Dans le second cas on se sert de claies d'osier, de persiennes à planchettes, et préférablement de rideaux en toile très claire, en canevas, en étamine ou en calicot peu serré.
Il s’en faut que le soleil de mars, d'avril ou d'octobre ait la même ardeur qu'en plein été. Ce qui suffit pour ombrer au prin- temps devient insuffisant en été, et réciproquement. Il est donc d'une bonne et saine pratique de n'avoir d’abord que des ombrages très légers et de les renforcer dans les plus longs jours. Si c'est le badigeon que l’on a adopté, il est aisé de l'épaissir par une seconde couche; si c'est le rideau, le mieux est peut-être d'y joindre un léger badigeon, qu'on enlevera à la fin d'août. 11 faut, dans tout cela, tenir compte des climats et des latitudes.
En hiver on n’a jamais ni trop ni assez de soleil, mais les gelées subites, par un ciel clair, causent de grands soucis aux cultivateurs. Avoir sous la main de bons paillassons bien épais, en roseaux ou en paille, ou de bons volets en bois léger, c'est la meilleure ressource contre les surprises et contre l'insuffisance momentanée du chauffage.
10
146 HISTOIRE — BOTANIQUE — CULTURE.
Î
CHAPITRE VIT:
LES ENNEMIS DES ORCHIDÉES.
En À Xe 4 ALADIES. ANIMAUX NUISIBLES. — Les Or-
chidées ne sont sujettes à aucune ma- ladie spéciale, spontanée ou épidémique. Des causes de détérioration peuvent les
affecter dans des circonstances très défa- vorables ; il n’est pas rare que dans nos cul- tures artificielles, par suite de négligences {|= 7 graves ou de soins à contre-sens, elles de- | viennent malades et meurent, mais la maladie est le fait de la mauvaise culture. ÿ \®) On voit des Orchidées dont le feuillage est __ jaune et maigre; c’est qu'elles ont trop de soleil ou point assez d’eau. Quelquefois aussi les racines ont pourri par suite d’un mauvais drainage d’un sol trop compact et d’ar- rosements intempestifs. La mort de la plante est imminente si l'on ne se hâte de la dépoter, de retrancher des racines tout ce qui est mort où atteint de nécrose, et de la traiter ensuite comme une plante importée. À un moindre degré, l'excès d’arrosements dans un sol trop compact et mal égoutté produit sur le feuillage des taches circu-
LES ENNEMIS DES ORCHIDEES. ; 147
laires, noires, qui s’agrandissent et se multiplient, et sont tout au moins d'un fort triste effet.
L'insuffisance de la lumière et de l’aérage, surtout dans une serre trop chaude, produit la chlorose ; le feuillage est pâle, mince, se soutient mal; la floraison est rare et chétive.
Si c'est, au contraire, la chaleur qui manque, on voit les jeunes pousses s'arrêter avant d’avoir pris tout leur développe- ment. Les jeunes pseudo-bulbes, à peine arrivés à leur gros- seur, sont atteints de pourriture ; de larges taches jaunes se montrent sur les feuilles charnues et deviennent des centres de décomposition. Il faut alors trancher dans le vif, tenir la plante sèche et lui donner de la chaleur.
Certaines Orchidées fleurissent très rarement, quoique bien venantes en apparence. C’est évidemment qu'il leur manque quelque chose, car dans la nature, toutes fleurissent annuelle- ment. L’avortement ou l'absence de la floraison üent, le plus souvent, au manque de lumière, d’air ou d’eau, et parfois aux trois causes réunies; quoique l'excès de l’une des trois puisse aussi faire obstacle. Un changement de place, un dépotement dans un plus grand pot, si la plante est bien saine, un compost mieux approprié, détermineront des floraisons rebelles. IT ne faut pas oublier, d’ailleurs, que la richesse de celle-ci est en
raison de la force d’une plante, du bon état de ses racines et de
la somme de nourriture qu’elle peut s'assimiler.
La conséquence de ce qui précède, c’est que le cultivateur qui connaît bien ses plantes et sait leur appliquer un traitement con- venable, n’a à craindre ni maladies, ni morts subites, ni dété- rioration du feuillage, ni avortement de la floraison ; mais sur ce dernier point il nous reste beaucoup à apprendre.
En résumé, dès qu'un cultivateur d’Orchidées s'aperçoit qu'une de ses plantes souffre, que son feuillage jaunit, que les vieux pseudo-bulles pourrissent, que la végétation est maigre ainsi que la floraison, il doit s’empresser de chercher la cause du mal. Si elle n’est pas dans les soins extérieurs : chaleur, ombrage, humidité de l'air, il faut la chercher immédiatement aux racines,
148 HISTOIRE — BOTANIQUE — CULTURE.
se hâter de sortir la plante de son pot et mettre à nu tout son système radiculaire. Neuf fois sur dix on trouvera tout ou partie des racines atteintes de pourriture et la plante hors d'état de se substanter. Une Orchidée n’est nullement perdue pour se trouver en cet état, mais la cause subsistant, elle continuera de dépérir et finalement mourra. Cette cause sera presque toujours dans un mauvais compost ou dans un drainage mal fait, combiné avec des arrosements abondants.
Un compost trop compact, retenant l’eau et ne laissant pas circuler l'air, est nuisible, on le conçoit, à des plantes aériennes dont les racines veulent l'air et une certaine liberté. En les visi- tant on trouvera que, parvenues dans ce compost mal fait, elles y pourrissent, ou si quelques-unes le traversent sans trop de dommage, elles iront s'étendre et prospérer à travers les pier- railles du drainage.
Le compost peut être bon, les plantes peuvent être dans du sphagnum sans mélange de terre, et néanmoins y perdre leurs racines. Ce sera alors l'écoulement de l’eau qui sera mal établi, le drainage aura été mal fait ou insuflisant, l’orifice du pot se sera peut-être obstrué, le sphagnum sera trop tassé, ete.
Nous avons déjà indiqué ce qu'il faut faire. Nettoyer la plante à fond, la débarrasser des parties mortes, la laver à grande eau et enfin la replanter dans des matières mieux ap- propriées à ses besoins et drainer jusqu'aux trois quarts de la hauteur du pot. On arrose ensuite avec prudence, mouillant la surface plus que le fond. C’est comme une plante importée ou une multiplication. Le sujet ne tardera pas à se remettre en végétation et à produire de nouvelles racines en même temps que de jeunes tiges. Alors seulement la reprise sera complète.
En revanche, les Orchidées ont de nombreux ennemis ; ces ennemis-là les aiment trop; ils s’atitachent à elles pour s'en nourrir. Ce sont des mollusques ou des insectes : limaces, hélices, blattes, cloportes, pucerons, kermès, cochenilles, acarus, thrips, fourmis, perce-oreilles (fig. 160 à 169).
Les fourmis ne sont qu'incommodes et malpropres; il en est
silos ts ds +
*
æ LES ENNEMIS DES ORCHIDÉES. 149
à peu près de même des forficules (perce-oreilles), qui attaquent quelquefois une très jeune feuille, mais qui se nichent dans les
Fig. 160. — Blatte, mâle et femelle.
pousses nouvelles et les font pourrir. Il est facile de les détruire et de fermer l'accès de la serre à ceux du dehors.
Fig. 161. — Puceron très grossi. Fig, 162. — Tige couverte de Pucerons.
Il en est tout autrement des rongeurs et des parasites, qui, chacun à leur manière, causent de graves dommages. Les
=
150 HISTOIRE — BOTANIQUE — CULTURE.
limaces de jardins, un tout petit escargot (Helix alliaria). les cloportes, les blattes même, rongent les racines, les pousses tendres et jusqu'aux pseudo-bulbes, et surtout les boutons à
Fig. 163 et 164. — Branche couverte de Kermès, Fig. 165. — Thrips.
fleurs. Les pucerons, les kermès et cochenilles de serre, les araignées rouges (Acarus), les thrips ou tigres (Thrips hæmor-
Fig. 166. — Fourmi neutre. Fig. 167. — Fourmi femelle.
rhoïdalis), colonisent à la surface des feuilles ou des tiges, dont ils sucent les sucs et détruisent les parties molles de manière à les détériorer complètement.
On se défait de cette catégorie de parasites en les écrasant avec les doigts, en lavant souvent le feuillage et les tiges où ils
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LES ENNEMIS DES ORCHIDÉES.
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se montrent, en les seringuant très fréquemment, si la saison le permet. On en prévient l'éclosion en tenant la serre humide et
aérée. La fumée de tabac a facilement raison des pucerons, s'ils deviennent nombreux; les thrips ne sont tués par ce moyen que si on l'emploie à haute dose, ce qui est réputé dan- gereux surtout aux Odontoglossum ; mais l’eau est pour eux, comme pour les acarus, un moyen sûr de destruction, si on l’emploie avec persévérance. La présence des thrips, des acarus, des kermes, est toujours l'indice que la serre est tenue trop chaude pour les plantes
Fig. 168.
Fourmi mâle,
attaquées, et surtout trop sèche et point assez aérée. Les coche-
nilles et les kermès se fixant à demeure ne sont nullement diffi- ciles à découvrir et à détruire.
M
Fig. 169. — Perce-oreilles.
On n'en peut dire autant des autres en- nemis qui sortent la nuit seulement pour exercer leurs déprédations, et rentrent le matin dans des cachettes plus ou moins sûres. Le premier soin que doit s’imposer un amateur, c’est de ne laisser dans sa serre aucun coin obscur et inaccessible; aucun amas de matériaux, pas même de rocailles percées de cavités où l'ennemi puisse se mettre hors d'atteinte.
Le second moyen consiste à visiter sou- vent ses pots, dessus et dessous, à les déplacer pour dérouter les rôdeurs de nuit ou les prendre dans leurs cachettes. Le troisième et le meilleur est de venir dans
la serre avec une lumière, à la tombée du jour, lorsque les limaces particulièrement se mettent en chasse. On les découvre
grimpant le long des murs ou sur les plantes. Enfin on leur dresse des pièges. Le meilleur pour prendre les limaces est une feuille de chou vert ou de la laitue jetée
152 HISTOIRE — BOTANIQUE — CULTURE.
à plat sur les tablettes ou sur le sol. On les trouve dormant dessous le matin. Nous nous trouvons aussi très bien d'élever dans la serre quelques touffes d’Adiantes, dont les limaces sont très friandes. Il est facile de les y découvrir le soir on le matin. De petits tas de son répandus çà et là ont aussi leur utilité. Les cloportes se prennent dans des pommes de terre coupées par moitiés et creusées, que l’on dissémine entre les pots.
Il faut aussi se défier des lombrics (vers de terre), non qu’ils attaquent les Orchidées, mais parce qu'ils creusent des galeries et obstruent peu à peu le drainage, ce qui peut occasionner la pourriture des racines,
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Odontoglossum radiatum.
CULTURES SPECIALES. : 153
CHAPITRE VIII.
CULTURES SPÉCIALES.
ULTURE DES ORCHIDÉES FLEURIES DANS LES APPARTEMENTS ET AUX EXPOSITIONS. — En réfléchissant sur ce que nous avons dit plus haut des conditions spéciales aux- quelles est assujettie la culture des Orchi-
Qÿ dées intertropicales, quelques lecteurs ont dû |
être tentés de formuler un regret : ces nobles || Çe plantes, d’une floraison si éclatante ou si pro- € | fuse, qu’on aime à étudier, qu'on voudrait avoir toujours sous les yeux, dont on respire volontiers les suaves parfums, sont malheureu- sement reléguées dans la serre, et il serait hautement imprudent de les en retirer pour les faire séjourner dans les appartements, où elles ne trouveraient presque aucune des conditions de lumière, de température et surtout d'humidité atmosphérique qui leur sont nécessaires. Impossible, se dit-on, d'en faire jamais des ornements de table, d'en décorer des salons, d'en jouir enfin pleinement pendant la durée de leur floraison.
Cette conclusion , qui semble tirée de la nature même, n'est cependant pas rigoureusement exacte. Beaucoup d'Orchidées et
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154 HISTOIRE — BOTANIQUE — CULTURE.
des plus belles peuvent, lorsque leurs fleurs sont épanouies, être transportées dans les appartements et y rester même sans dom- mage pendant au moins une quinzaine. L'essentiel est qu'elles y trouvent, si c'est en hiver, une température qui ne descende pas beaucoup au-dessous de celle qu’elles ont dans la serre, et qu'elles n'y soient pas exposées à se couvrir de poussière. Il va sans dire qu'il n’y aura pas de fumée dans la place. La lumière sera généralement suflisante pour ce peu de temps, et quant à l'humidité de l’atmosphère, indispensable à leur croissance, elles pourront en être privées durant cette courte période, sans dom- mage appréciable. Nous allons dire pourquoi.
Chez le plus grand nombre des Orchidées, l’époque du déve- loppement et de l’épanouissement des inflorescences ne coïncide jamais avec celle de la croissance des tiges ou des pseudo-bulbes et de la feuillaison. Il y a généralement alternance. Quand l’ac- tivité végétative est absorbée par la production d’abord, par la nutrition ensuite de ces inflorescences, souvent beaucoup plus volumineuses que la plante qui les porte, les autres fonctions sont enrayées. Cette règle n’est pas absolue: il existe assez bien d'Orchidées qui émettent tout ensemble des tiges nouvelles et des hampes florales, où le bouton à fleurs sort d’entre les jeunes feuilles aussitôt qu’elles se montrent; mais c’est là l'exception. Pour les espèces dont les habitudes sont telles, on conçoit que le séjour dans les appartements pourrait avoir des inconvénients graves au point de vue de la croissance ultérieure.
Mais quand les fleurs sont épanouies et qu’en dehors du tra- vail de nutrition qu’elles imposent, le reste de la plante est dans une sorte de repos, que les tiges sont aoûtées, que rien ne croît plus, il devient assez indifférent que les conditions de cette crois- sance soient remplies exactement. Quant à l'humidité atmo- sphérique, il est même à noter qu'elle est, jusqu'à un certain point, nuisible à la bonne conservation des fleurs. Beaucoup de celles-ci, qui sont d’une texture délicate, les fleurs blanches sur- tout, se tachent de noir dans un milieu humide, et quelques-unes y pourrissent bien avant le terme naturel. On conseille donc
CULTURES SPÉCIALES. 155
généralement, quand les fleurs sont épanouies, de transporter les plantes dans un milieu plus sec et même plus froid. Il n’est pas prudent d’ailleurs de prolonger ce séjour dans les appartements, surtout en hiver, au delà de deux ou trois semaines, quoique l’on cite telle ou telle espèce qui y a passé